Cet article discute l’association affirmée par David Armitage et Jo Guldi entre usage de sources numérisées, quantification et retour à la longue durée, sur la base d’une tradition d’histoire ...quantitative ouverte aux sciences sociales et renouvelée par la micro-histoire. Il rappelle que la numérisation de nombreuses sources n’exonère pas de toute prudence dans l’analyse, notamment du fait des biais qu’elle crée. Il insiste surtout sur le fait qu’elle ne règle en rien une question centrale pour la quantification : celle de l’anachronisme contrôlé, c’est-à-dire de la difficile création de catégories adéquates lorsque l’on veut compter sur la longue durée. L’auteure discute aussi des implications d’un choix exclusif de la longue durée pour la réflexion historienne sur les causalités. La longue durée n’est-elle qu’une échelle de pure description ? Si ce n’est pas le cas, peut-elle éviter une version simpliste, de la dépendance au sentier ? Pour éviter ces écueils, il faut prendre en compte les débats des sciences sociales sur l’articulation des temporalités et des causalités.
A History Free of the Social Sciences ? LEMERCIER, Claire
Annales : histoire, sciences sociales (French ed.),
01/2015, Letnik:
70, Številka:
2
Journal Article
Recenzirano
Cet article discute l'association affirmee par David Armitage et Jo Guidi entre usage de sources numerisees, quantification et retour a la longue duree, sur la base d'une tradition d'histoire ...quantitative ouverte aux sciences sociales et renouvelee par la micro-histoire. Il rappelle que la numerisation de nombreuses sources n'exonere pas de toute prudence dans l'analyse, notamment du fait des biais qu'elle cree. Il insiste surtout sur le fait qu'elle ne regle en rien une question centrale pour la quantification : celle de l'anachronisme controle, c'est-a-dire de la difficile creation de categories adequates lorsque l'on veut compter sur la longue duree. L'auteure discute aussi des implications d'un choix exclusif de la longue duree pour la reflexion historienne sur les causalites. La longue duree n'est-elle qu'une echelle de pure description ? Si ce n'est pas le cas, peut-elle eviter une version simpliste, de la dependance au sentier ? Pour eviter ces ecueils, il faut prendre en compte les debats des sciences sociales sur l'articulation des temporalites et des causalites According to David Armitage and Jo Guldi, digitized sources and quantification almost naturally lead to the sort of longue duree history that they try to promote. This paper questions this assertion on the basis of the long tradition of quantitative history, open to exchanges with the social sciences and revived, not annihilated, by microhistory. The digitization of numerous historical sources does not call for less caution in our analyses-quite the contrary, as it creates new biases. More importantly, it does not solve the crucial question of controlled anachronism, i.e. the need for carefully constructed categories in any quantification based on the longue duree. The article also addresses the implications of choosing the longue duree as the exclusive basis for reflections on historical processes and causality. Is longue duree purely a scale for description? If not, can it avoid a simplistic vision, a mono-causal path dependency ? To avoid such pitfalls, the author advocates taking into account the wider debates within all the social sciences on timescales and causality. Adapted from the source document.
Cet ouvrage brosse un portrait très ample de la relation bancaire dans la France contemporaine. Il la situe en outre dans une perspective historique qui commence avec la bancarisation, à la fin des ...années 1960, c'est-à-dire l'ouverture, dans un court laps de temps, d'un compte en banque par la grande majorité des particuliers. Si c'est bien de « relation bancaire » qu'il est question, c'est que Jeanne Lazarus s'est attachée à saisir, notamment par l'observation, toute une gamme d'interactions entre banquier.e.s et client.e.s. Pour autant, comme le souligne le sous-titre, la banque, comme organisation et même comme institution, est également toujours présente : l'auteure ne s'en tient pas à une analyse locale qui extrairait ces interactions de leurs contextes. À cet égard, l'ouvrage illustre bien l'intérêt tant empirique que théorique de la sociologie de Luc Boltanski, dont les principaux attendus sont rappelés en introduction.
Pour qui écrivons-nous? Lemercier, Claire
Revue d'histoire moderne et contemporaine (Paris, France : 1954),
01/2015, Letnik:
62, Številka:
4 bis
Journal Article
Recenzirano
Cet article revient sur dix ans de discussions en France autour de l'accès ouvert aux publications scientifiques, en poursuivant deux objectifs. D'une part, il tente de clarifier certains termes du ...débat. Il s'agit en particulier de distinguer les nombreuses manières de mettre un article en ligne (par l'auteur ou par la revue, sur un site personnel, dans une archive ouverte ou sur un portail de revues, etc.). Il s'agit également d'envisager une variété de modèles économiques possibles. L'article distingue notamment, outre le modèle classique de l'abonnement, celui de l'auteur-payeur et celui du freemium (financement volontaire par certaines institutions). D'autre part, l'auteure prend position en faveur de l'accès ouvert. Elle souligne qu'il est déjà largement pratiqué en France, tandis que les revues de bien d'autres pays ne deviennent jamais, même plusieurs années après parution, librement accessibles. Elle insiste enfin sur l'enjeu que représente pour les auteur.e.s comme pour les revues de sciences humaines et sociales l'ouverture d'un lectorat immensément plus large que celui des pairs. This paper presents the French debates of the last decade on open access to scientific publications. Its first aim is to clarify some points in these debates, by distinguishing between various ways of putting papers online (is it done by the author and/or the journal? on a personal website, in an open archive, on a specialized portal?) and by presenting several possible economic models, namely subscriptions, article-processing charges, and the consortial (or freemium) model. The second aim of the paper is to defend open access publication in the humanities and social sciences. France is in fact one of the leading countries in this respect, as most journals provide open access to their papers to the wider public (not just academic audiences) after a few years, if not immediately. The author emphasizes the benefits of reaching such a wider audience, both for the authors and for the journals.
Durant les dernières décennies, le partage de la valeur produite par les plus grandes entreprises cotées a connu une modification spectaculaire en faveur des actionnaires. Pour autant, parler de ...financiarisation pour décrire ce phénomène présente le risque d'imaginer une finance auparavant absente et désormais hégémonique. En comparant systématiquement des données portant sur ces entreprises et leurs dirigeants en 1979 et 2009, nous montrons que les carrières des dirigeants sont demeurées remarquablement stables, et polarisées par une opposition entre les financiers et les autres, alors même que les formes et les activités des entreprises financières changeaient radicalement. Pourtant, les transformations dans le partage de la valeur ne sont pas tant une conséquence de ces recompositions du périmètre ou de l'actionnariat des entreprises que l'effet d'une conversion de leurs dirigeants, passés par la finance, aux normes de la valeur actionnariale. In recent decades, the share of the value produced by the largest listed companies has seen a dramatic change in favour of shareholders. However, to talk of financialization to describe this phenomenon runs the risk of imagining that finance was absent in the past and is now hegemonic. By systematically comparing data on these companies and their senior executives in 1979 and 2009, we show that the careers of senior executives have remained remarkably stable, and polarized by the division between financiers and others, even though the forms and business activities of financial companies have radically changed. Yet the changes in the share of value are not so much the result of these reconstructions of the perimeters or of the shareholders of companies as the effect of a conversion by their senior executives, through their experience of finance, to the norms of shareholder value. Im Verlauf der letzten Jahrzehnte erfuhr die Teilung des produzierten Wertes durch die größten an der Börse notierten Firmen eine spektakuläre Veränderung zugunsten der Aktionäre. Dennoch besteht die Gefahr, wenn man zur Beschreibung dieser Erscheinung die Finanziarisierung erwähnt, hier sich eine Finanz vorzustellen, die vorher nicht vorhanden und nunmehr beherrschend wäre. Wir vergleichen systematisch die Daten zu diesen Unternehmen und zu ihren Führungskräften in den Jahren 1979 und 2009 und zeigen somit, daß die Laufbahnen dieser Führungskräfte eine bemerkenswerte Stabilität aufzeigen, die durch eine polarisierte Gegenüberstellung zwischen den Finanzkräften und den anderen Aktoren ausgezeichnet wird, während die Formen und die Aktivitäten der Finanzunternehmen eine radikale Änderung erfuhren. Die Veränderungen in der Wertteilung sind jedoch nicht sosehr eine Folge dieser Neubildungen des Perimeters der Unternehmen oder ihrer Aktionäre, als vielmehr die Auswirkung einer Bekehrung ihrer Führungskräfte, die durch die Finanz zu Normen des Aktionärswerts gekommen sind. Durante las últimas décadas, el reparto del valor producido por las mayores empresas cotizadas en bolsa conoció un cambio espectacular a favor de los accionistas. Sin embargo, hablar de financiarización para describir este fenómeno hace correr el riesgo de imaginar un sistema financiero antes ausente y ahora hegemónico. Al comparar de manera sistemática datos referentes a dichas empresas y sus directivos en los años 1979 y 2009, ponemos de realce que las carreras de sus directivos se mantuvieron extraordinariamente estables. La polarización siguió dándose entre los empresarios financieros y los demás, mientras que las formas y las actividades de las empresas financieras cambiaron radicalmente. Con todo, las transformaciones en el reparto de las ganancias no se deben tanto a las recomposiciones del ámbito de acción de las empresas o de su accionariado como a la conversión de sus antiguos directivos, a través de su experiencia en el sistema financiero, a las normas del valor accionarial.
Durant les dernières décennies, le partage de la valeur produite par les plus grandes entreprises cotées a connu une modification spectaculaire en faveur des actionnaires. Pour autant, parler de ...fínanciarisation pour décrire ce phénomène présente le risque d'imaginer une finance auparavant absente et désormais hégémonique. En comparant systématiquement des données portant sur ces entreprises et leurs dirigeants en 1979 et 2009, nous montrons que les carrières des dirigeants sont demeurées remarquablement stables, et polarisées par une opposition entre les financiers et les autres, alors même que les formes et les activités des entreprises financières changeaient radicalement. Pourtant, les transformations dans le partage de la valeur ne sont pas tant une conséquence de ces recompositions du périmètre ou de l'actionnariat des entreprises que l'effet d'une conversion de leurs dirigeants, passés par la finance, aux normes de la valeur actionnariale.//In recent decades, the share of the value produced by the largest listed companies has seen a dramatic change in favour of shareholders. However, to talk of financialization to describe this phenomenon runs the risk of imagining that finance was absent in the past and is now hegemonic. By systematically comparing data on these companies and their senior executives in 1979 and 2009, we show that the careers of senior executives have remained remarkably stable, and polarized by the division between financiers and others, even though the forms and business activities of financial companies have radically changed. Yet the changes in the share of value are not so much the result of these reconstructions of the perimeters or of the shareholders of companies as the effect of a conversion by their senior executives, through their experience of finance, to the norms of shareholder value. / Im Verlauf der letzten Jahrzehnte erfuhr die Teilung des produzierten Wertes durch die größten an der Börse notierten Firmen eine spektakuläre Veränderung zugunsten der Aktionäre. Dennoch besteht die Gefahr, wenn man zur Beschreibung dieser Erscheinung die Finanziarisierung erwähnt, hier sich eine Finanz vorzustellen, die vorher nicht vorhanden und nunmehr beherrschend wäre. Wir vergleichen systematisch die Daten zu diesen Unternehmen und zu ihren Führungskräften in den Jahren 1979 und 2009 und zeigen somit, daß die Laufbahnen dieser Führungskräfte eine bemerkenswerte Stabilität aufzeigen, die durch eine polarisierte Gegenüberstellung zwischen den Finanzkräften und den anderen Aktoren ausgezeichnet wird, während die Formen und die Aktivitäten der Finanzunternehmen eine radikale Änderung erfuhren. Die Veränderungen in der Wertteilung sind jedoch nicht sosehr eine Folge dieser Neubildungen des Perimeters der Unternehmen oder ihrer Aktionäre, als vielmehr die Auswirkung einer Bekehrung Ihrer Führungskräfte, die durch die Finanz zu Normen des Aktionärswerts gekommen sind.// Durante las últimas décadas, el reparto del valor producido por las mayores empresas cotizadas en bolsa conoció un cambio espectacular a favor de los accionistas. Sin embargo, hablar de financiarización para describir este fenómeno hace correr el riesgo de imaginar un sistema financiero antes ausente y ahora hegemónico. Al comparar de manera sistemática datos referentes a dichas empresas y sus directivos en los años 1979 y 2009, ponemos de realce que las carreras de sus directivos se mantuvieron extraordinariamente estables. La polarización siguió dándose entre los empresarios financieros y los demás, mientras que las formas y las actividades de las empresas financieras cambiaron radicalmente. Con todo, las transformaciones en el reparto de las ganancias no se deben tanto a las recomposiciones del ámbito de acción de las empresas o de su accionariado como a la conversión de sus antiguos directivos, a través de su experiencia en el sistema financiero, a las normas del valor accionarial.