Since the Middle Ages, the figures of poverty and marginality have aroused ambivalent reactions within French society, permanently torn between compassion and fear. The long nineteenth century did ...not escape these prejudiced feelings against the beggar and the vagrant, taking on an unprecedented dimension in the years 1880-1890 when the question of recidivism became acute. Faced with this "army of crime", experts of all kinds - alienists, doctors, psychiatrists, criminologists, magistrates, police officers and journalists - took up this burning social issue in a climate of insecurity and collective psychosis. They accuse them of all the evils and plagues (contagious diseases, petty crime, theft, prostitution, etc.) to explain the reasons why they indulge in this asocial state, placing them outside the dominant social norms. Thus, behind these discourses of exclusion and hatred, revealing a medicalization and a criminalization of wandering, the analysis of these impoverished and marginalized men and women reveals a more nuanced social reality that is linked to the working classes vulnerable to economic upheavals and the vagaries of life.
Depuis le Moyen Âge, les figures de la pauvreté et de la marginalité ont suscité des réactions ambivalentes au sein d’une société française, tiraillée en permanence entre la compassion et la peur. Le ...long XIXe siècle n’échappe pas à ces sentiments pleins de préjugés à l’encontre du mendiant et du vagabond, prenant une dimension sans précédente dans les années 1880-1890 au moment où se pose avec acuité la question de la récidive. Face à cette « armée du crime », des experts en tous genres – aliénistes, médecins, psychiatres, criminologues, magistrats, policiers et journalistes – se sont emparés de cette question sociale brûlante dans un climat d’insécurité et de psychose collective. Ils les accusent ainsi de tous les maux et de toutes les plaies (maladies contagieuses, petite délinquance, vol, prostitution, etc.) pour expliquer les raisons pour lesquelles ils se complaisent dans cet état asocial, les plaçant en dehors des normes sociales dominantes. Ainsi, derrière ces discours d’exclusion et de haine, révélateurs d’une médicalisation et d’une criminalisation de l’errance, l’analyse de ces hommes et de ces femmes paupérisés et marginalisés dévoile cependant une réalité sociale plus nuancée qui se rattache aux classes populaires et ouvrières vulnérables aux soubresauts économiques et aux aléas de la vie.
« Sentiment d’inquiétude que l’âme éprouve à la présence ou à la pensée du danger » telle est la définition de la peur donnée par le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse. ...Ouvert dans les années 1970, le dossier de la peur, « composante majeure de l’expérience humaine », s’attachait principalement à la fin de l’époque médiévale et à l’époque moderne. Il méritait donc d’être revisité et poursuivi à un moment où les sondages auscultent les arrière-pensées et tentent de dévoiler les angoisses du présent et celles de l’avenir. Pour les lexicographes et les spécialistes de la psychologie, la peur est d’abord « l’ennemie intime » des hommes et des femmes isolées ou vivant en collectivité. Mais tout le monde n’est pas accessible de la même manière à la peur. Des sociétés peuvent y succomber toute entière, d’autres y faire face. La peur, « sentiment universel » peut être réelle, provoquée par une menace attestée, mais elle peut aussi être imaginée et susciter davantage d’incertitude et d’angoisse que les peurs effectives face à un risque connu. Les peurs connaissent de multiples nuances et degrés et ne sont pas immuables. Elles fonctionnent souvent par cycle. La perception d’un danger et les craintes plus ou moins vives suscitées peuvent surgir brusquement, disparaître et resurgir. Pour aborder ce vaste territoire, les expressions, les perceptions et les effets ont été privilégiés à partir de quatre entrées : les images et les mots relatifs à la peur ; les peurs suscitées par les éléments déchaînés ; les peurs sociales et l’effroi suscité par une situation ou une catégorie ; et enfin les peurs publiques allant de la frayeur face la guerre civile à l’anxiété devant les populations flottantes représentées par les mendiants.
« Aujourd’hui, comme autrefois, il est un grand nombre de gueux hypocrites qui, par des gémissements imposteurs et des infirmités factices, surprennent votre libéralité et trompent votre compassion. ...D’une voix artificielle, plaintive et monotone, ils articulent, en traînant, le nom de Dieu, et vous poursuivent dans les rues avec ce nom sacré ; mais ces misérables ne craignent ni sa justice ni sa présence. Ils mentent à chaque passant. Entretenus par les aumônes, ils font semblant d’être souff...