L’historien de l’art Louis Réau (1881-1961) constitue une référence incontournable pour qui s’intéresse à la mobilité des artistes et à l’influence exercée par la France en Europe. Dans ses travaux, il relève de nombreux « satellites » qui s’inspireraient des palais et places françaises ; parmi ceux qu’il érige en modèles, Versailles, son château et ses jardins, occupe une place de premier choix, devenant sous sa plume le « type accompli de la résidence royale » au point d’exercer, au xviiie siècle, « une irrésistible attraction sur tous les “despotes éclairés” ». Cette vision, développée à compter des années 1920, n’est pas neuve et s’inscrit dans la continuité d’une perspective à la fois patriotique et nationaliste déjà ancienne. Elle n’en fait pas moins date et infuse, parfois jusqu’à nos jours, de nombreuses études comparatives. Le but de cet article est d’en comprendre les tenants et aboutissants, et de mieux cerner l’édification d’un mythe – celui de Versailles – que Réau entretient tout en s’en inspirant. Art historian Louis Réau (1881-1961) is essential reading for anyone interested in the mobility of artists and the French influence in Europe. In his work, Réau identifies numerous ‘satellites’ inspired by French palaces and squares. Principal among those he sets up as models is Versailles, its château and gardens, which becomes, in his words, the ‘consummate royal residence’ to the point of exerting, by the eighteenth century, ‘an irresistible attraction on all “enlightened despots”’. Réau’s vision, developed from the 1920s onwards, was not new, being part of a long-standing patriotic and nationalist perspective. Nonetheless, it represents a landmark and infuses many comparative studies, sometimes right up to the present day. The aim of this article is to examine the workings of Réau’s thinking, to better understand the construction of a myth – the myth of Versailles – that he both maintains and draws inspiration from.