L’addiction alimentaire (AA) est fréquente chez l’obèse sévère (35 à 40 %) et pourrait modifier le résultat de la prise en charge médicochirurgicale. Afin d’identifier les processus cognitifs ...sous-jacents à l’AA et étayer son existence les études de neuro-imagerie sont prometteuses. Chez des patientes éligibles à la chirurgie de l’obésité, nos objectifs étaient : (i) identifier par le biais de l’IRMf, des réponses cérébrales spécifiques au niveau des régions impliquées dans les processus hédoniques et motivationnels (striatum) ainsi que dans le contrôle cognitif (cortex préfrontal), en fonction de la sévérité de l’AA, en condition de tâche cognitive d’anticipation alimentaire et en conditions de repos ; (ii) identifier si la sévérité de l’AA était lié à une symptomatologie anxieuse et/ou dépressive et à un phénotype nutritionnel particulier.
Il s’agit d’une étude pilote, monocentrique incluant des femmes, souffrant d’obésité grade 2 ou 3, qui présentaient ou non une AA. Chaque patiente a réalisé une séance d’IRMf qui comprenaient une séquence d’images en condition de tâche d’anticipation alimentaire, ainsi qu’une séquence en condition de repos. Lors de la tâche d’anticipation alimentaire, nous avons demandé aux participantes de s’imaginer ingérer des entrées/plats/desserts présentés en photographie (dont elles avaient évalué l’appréciation hédonique au préalable). Nous avons également évalué la présence d’une symptomatologie anxio-dépressive et analysé les données anthropométriques, la composition corporelle et la dépense énergétique de repos. Un modèle linéaire généralisé a été utilisé pour détecter les réponses cérébrales en condition de tâche d’anticipation alimentaire et en condition de repos. La relation entre la sévérité de l’AA et les autres variables a été réalisée à l’aide d’un régression logistique ordinale.
Quarante patientes ont été incluses dans l’étude : âge (moy.±DS), 36,7±8,5 ans, indice de masse corporelle, 39,2±3,0, 60 % souffraient d’AA. La sévérité de l’AA était associée à une symptomatologie anxieuse plus fréquente (odds ratio, 4,93 ; intervalle de confiance à 95 % 1,25 ; 19,60 ; p=0,04), mais pas à un phénotype nutritionnel en particulier. En condition de tâche d’anticipation alimentaire, la sévérité de l’AA était associée à une activation cérébrale diminuée du putamen de manière bilatérale ainsi que du cortex cingulaire antérieur (CCA) (voxel : p non corrigée<0,001). En IRMf de repos, la sévérité de l’AA était corrélée négativement à la connectivité fonctionnelle (CF) entre le CCA et le striatum dorsal (voxel : p non corrigée<0,001 ; cluster : p-FDR<0,05).
Il existe une hétérogénéité des profils cérébraux chez des patientes obèses éligibles à la chirurgie de l’obésité liée à la sévérité de l’AA. Les zones cérébrales qui avaient des différences d’activation étaient celles impliquées dans la régulation émotionnelle et le contrôle cognitif (CCA) et les processus motivationnels (striatum dorsal). La sévérité de l’AA est associée à une CF cortico-striatale altérée. Nous étudierons l’impact de ces anomalies sur le devenir des patientes finalement opérées de la chirurgie de l’obésité.
La prise en charge des patients obèses reste peu efficace en termes de perte de poids et une proportion élevée de patients interrompent leur suivi. Identifier les facteurs prédisant un succès ...thérapeutique et l’arrêt prématuré du suivi permettra de mieux comprendre les différences de trajectoire et permettra d’optimiser la prise en charge. Notre objectif est d’identifier, chez des patients obèses sévères, après un an de prise en charge, les facteurs prédictifs de perte de poids et d’arrêt prématuré du suivi avec un focus sur l’addiction alimentaire (AA).
Dans cette étude de cohorte rétrospective et monocentrique, les patients obèses consultant pour la première fois dans l’unité de nutrition du CHU entre 03/2016 et 09/2019 ont été inclus. Tous les patients remplissaient les critères d’éligibilité à la chirurgie de l’obésité, mais tous ne la souhaitaient pas nécessairement. Tous les patients inclus ont été pris en charge pour modifier leur mode de vie (activité physique et alimentation) en suivant un programme d’éducation thérapeutique d’un an basé sur l’alimentation intuitive. Ce programme comprend des consultations multidisciplinaires : médicales, diététiques, infirmières et d’éducation sur l’activité physique. Une perte de poids significative était définie par une perte de poids≥5 % après 1 an. Les patients ont été considérés comme ayant arrêté prématurément leur suivi dès lors qu’ils avaient manqué une consultation sans en informer l’unité. L’AA a été identifiée à l’aide de l’auto-questionnaire validé Yale Food Addiction Scale (YFAS) 2.0. Les paramètres significatifs à 0,20 de l’analyse univariée ont été inclus dans un modèle multivarié et une sélection descendante pas à pas a été réalisée.
Au total, 310 patients ont été inclus dans l’étude : âge (moy.±DS) 42,6±12,8 ans, indice de masse corporelle, 42,8±6,4, 79 % de femmes. Au total, 24 % des patients ont perdu≥5 % de leur poids, et 154 (50 %) ont maintenu leur suivi à 1 an. Le sexe masculin (odds ratio OR=6,25 ; intervalle de confiance IC à 95 % 1,78 ; 21,92, p=0,004), ≥5 consultations basées sur l’alimentation intuitive (OR=3,69 1,14 ; 11,87, p=0,03), et l’addiction au tabac (OR=0,18 0,04 ; 0,82, p=0,03), étaient associés à une perte de poids≥5 %. Un âge plus avancé (OR=0,97 0,95 ; 0,99, p=0,014), la pratique d’une activité physique (OR=0,11 0,05 ; 0,24, p<0,0001) et le souhait du patient d’accéder à une chirurgie de l’obésité (OR=0,22 0,12 ; 0,41, p<0,0001), étaient associés à une meilleure adhésion au traitement. La présence d’une AA au début de la prise en charge n’était associée ni au succès thérapeutique, ni à l’adhésion au traitement.
Les facteurs prédictifs identifiés permettront de mieux identifier les patients ayant le plus de chance de perdre du poids et d’adhérer à la prise en charge. Proposer davantage de séances d’éducation thérapeutique basées sur l’alimentation intuitive permettra d’augmenter le succès thérapeutique chez les patients obèses remplissant les critères de la chirurgie de l’obésité.