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Celotno besedilo
  • Vidocq, Vautrin, et la Nais...
    Slayton, Carrie E

    01/2020
    Dissertation

    Les paroles introductives des prétendus « mémoires » d'Eugène-François Vidocq mettent en scène le paradigme mythique du vrai criminel-devenu-chef de la police, qui est au centre de cette étude. Tous les grands personnages mythiques viennent au monde d'une manière épique, et la naissance de Vidocq démontre qu'il ne fait pas exception. L'histoire d'un criminel qui devient chef de la « brigade de la sûreté » de la préfecture de police de Paris est presque inconcevable: c'est bien pour cela qu'elle semble appartenir à la catégorie d'un mythe. Cette vie mythique deviendra la fiction, qui finira par établir un genre. Nous visons à démontrer de quelle manière les Mémoires de Vidocq ont créé le paradigme d'un personnage presque mythique, et ensuite, de quelle façon Balzac a utilisé la vie et l'histoire de Vidocq pour créer un personnage littéraire fictif, Vautrin. Finalement, nous tentons d'exemplifier en quoi cet archétype balzacien s'est ensuite cristallisé en détective français pour donner matière au genre policier, qui englobe la littérature policière française et le roman policier anglophone. Cette étude explore dans quelle mesure cette hypothèse est conforme à la réalité, et essaie de déterminer ce que Balzac et d'autres auteurs ont gardé de Vidocq, ce qu'ils ont supprimé, et ce qu'ils ont introduit de nouveau. Nous examinerons certains éléments qui établissent un lien entre le « vrai Vidocq », comme il est décrit dans les Mémoires, et ses incarnations littéraires. En outre, nous étudierons la mise en forme littéraire qui exploite ces parallélismes et aboutit à la représentation textuelle de ce personnage mythique. Cette étude met en exergue trois éléments principaux qui se trouvent dans les personnages susmentionnés à des degrés divers: l'intelligence extraordinaire, ou savoir-faire; la maîtrise du déguisement, ou visibilité/invisibilité; et l'escroquerie, ou le pouvoir influent de la manipulation. Ces aspects sont particulièrement importants en raison de leur aptitude à créer le paradigme mythique qui tire son origine de Vidocq. Nous examinerons non seulement les lieux où nous les rencontrons, mais l'effet de leur combinaison sur la création d'une figure légendaire. On commencera avec un repérage de ces éléments dans les Mémoires, puis on analysera leur transformation ou leur réemploi littéraires dans La Comédie humaine. Finalement, la troisième partie conclura avec une étude de la manière dont ces quatre éléments sont absorbés et récupérés dans la littérature ultérieure, en particulier dans les prototypes de ce qu'on appellera le « genre policier » qui comprend la littérature policière et le roman policier. Les caractéristiques présentes chez les personnages de Vidocq et de Vautrin se retrouvent en effet dans d'autres personnages, comme Monsieur Lecoq d'Émile Gaboriau et Arsène Lupin de Maurice Leblanc. En outre, nous déborderons les limites de la littérature française pour bien souligner l'ampleur prise par ce paradigme mythique d'un héros français ambigu. En effet, la figure de Vidocq n'a pas inspiré que des écrivains français, mais aussi certains écrivains anglais – comme Sir Arthur Conan Doyle, avec Sherlock Holmes – ou américains, comme E. Allan Poe, avec Auguste Dupin. On peut considérer les œuvres où apparaissent ces deux personnages comme les premiers représentants du genre du roman policier, et en tant que tels, une étude sur l'influence de la figure de Vidocq sur la littérature du XIXe et les premières décennies du XXe siècle qui ne tiendrait pas compte des œuvres où ils apparaissent serait incomplète. Il est donc essentiel de faire le lien entre l'influence du personnage de Vidocq et la naissance du genre policier. Les Mémoires de Vidocq ont créé un mélange d'histoire et de fiction, qui a ensuite fonctionné comme le modèle pour la création littéraire du balzacien Vautrin, et, ensuite, pour les inspecteurs légendaires de la littérature policière et le roman policier. De cette façon, la vie est devenue la littérature, et la littérature a donc donné matière à un genre.