L’objectif de cet article est de soutenir une conception actualisée et critique de l’autonomie pour comprendre les rapports entre sujets sociaux. Bien que partant des intuitions de Proudhon, ...j’argumenterai qu’il faut dialectiser les processus de formation des différents sujets collectifs (politiques) pour esquisser un projet émancipateur proche de celui de Castoriadis, soit la systématisation de rapports sociaux autonomes à toutes les échelles de la société (individuelles, groupales, fédérales, etc.). En concevant l’autonomie ainsi, il devient possible de considérer le territoire comme la dimension spatiale ou l’échelle du sujet autonome, ce qui permettra de faire le lien avec les apports de géographes anarchistes latino-américains comme Lopes de Souza. À partir de cette matrice théorique, j’illustrerai comment des luttes locales contre le crime organisé, celles des communautés indigènes de Cherán (purépecha) et Ostula (Nahua) dans l’État du Michoacán au Mexique, ont favorisé la réaffirmation de sujets communautaires en quête d’autonomie. Historiquement ancrées sur leurs territoires et imprégnées de pratiques d’autogouvernements, ces deux communautés vont avoir un rôle clé dans la formation d’une sujet politique d’une échelle plus large, celui du mouvement des autodéfenses contre le cartel sanguinaire des Chevaliers templiers, questionnant au passage le rôle de l’État. La structuration d’un mouvement qui s’articule à partir des communautés permet ainsi une certaine analogie avec la proposition fédéraliste du communisme libertaire.
Les liens entre géographie et anarchisme existent depuis les travaux fondateurs de Reclus ou Kropotkine, et les apports respectifs entre cette discipline scientifique et cette philosophie politique ...sont largement reconnus. Mais peut-on pour autant parler d’une géographie anarchiste ? C’est la question principale à laquelle nous avons essayé de répondre en revenant sur les spécificités épistémologiques et méthodologiques, sur les approches conceptuelles et empiriques des travaux qui mobilisent une approche anarchiste en géographie. Celle-ci, tout en dénonçant les inégalités produites par le capitalisme et un système multiple de domination, se fonde en premier lieu sur une critique de l’État. L’approche anarchiste en géographie permet ensuite d’identifier des dynamiques territorialisées de lutte contre l’oppression et de quête d’une émancipation. Ces « spatialités autonomes » apparaissent prioritairement dans des zones en marges, qu’elles soient des périphéries rurales ou des interstices urbains. Elles incarnent matériellement les valeurs libertaires et permettent une préfiguration et une mise en actes des projets d’émancipation.
La résistance organisée face à la vidéosurveillance publique signifie plus qu’une opposition à la surveillance, elle ouvre la possibilité d’une critique de l’espace public et de son dépassement par ...la notion d’« espace commun ». La thèse défendue dans cet article s’appuie sur une recherche de terrain menée auprès de collectifs actifs dans la campagne Technopolice, dédiée à la résistance à la surveillance urbaine (entretiens, observations et participations à leurs activités). Après avoir fait le constat de l’algorithmisation croissante du contrôle de l’espace public, l’article se penche sur la structure organisationnelle décentralisée de Technopolice, reliant des groupes locaux autonomes via une plateforme centralisant des informations et favorisant la participation des habitant·es pour contester la légalité de la surveillance. L’enjeu est de démontrer que l’organisation de Technopolice reflète une autodétermination collective qui génère un espace politique alternatif remettant en question l’ordre établi de l’espace public et ses fondements philosophiques.