Les capacités de préhension des catarrhiniens ont été largement étudiées dans le cadre de problématiques cognitives, fonctionnelles et évolutives. Une importante variabilité dans les types de saisies ...utilisés, incluant des stratégies longtemps décrites comme spécifiques des humains, a ainsi été mise en évidence. Cependant, bien que la préhension soit impliquée dans de nombreuses activités chez tous les primates, elle reste peu étudiée chez les platyrrhiniens et les strepsirrhiniens. Ces derniers constituent un groupe monophylétique à la base de l’arbre des primates, incluant environ 60 espèces présentant des caractéristiques morphologiques, sociales et écologiques différentes. Les strepsirrhiniens représentent donc un excellent modèle pour mieux comprendre les facteurs sociaux et écologiques conduisant à l’évolution des capacités de préhension. Cette étude vise à déterminer de manière quantitative les différentes stratégies comportementales adoptées par les strepsirrhiniens lors de la saisie de divers items alimentaires immobiles. A travers une approche comparative portant sur plus de 15 espèces, cette étude a également pour but de mieux comprendre les liens existants entre les facteurs écologiques et sociaux et la saisie manuelle. Les observations sont issues de l’analyse de vidéos réalisées au Duke University Lemur Center, chaque individu ayant été filmé dans son environnement habituel lors de ses repas sur une durée moyenne de 1,0 ± 0,1 heure permettant d’observer en moyenne 62 ± 5 saisies par individu. Cette étude montre que les saisies uni-manuelles, bien que stéréotypées, sont largement utilisées pour saisir des items alimentaires immobiles. Un effet important de la taille et de la consistance des items sur le choix du type de saisie est également mis en évidence. En effet, si une préférence significative pour les saisies avec la bouche est observée pour tous les autres items, les items grands et durs favorisent l’utilisation de la main. D’autre part, alors que le régime alimentaire et le type de locomotion ne semblent pas influencer significativement le type de saisie, cette propension à utiliser la main pour saisir des items grands et durs semble liée au degré d’arboricolisme et au type de transport des jeunes. Toutefois, les effets de lignée et les effets des facteurs écologiques et sociaux demeurent pour l’instant indissociables. L’augmentation prochaine de la taille de l’échantillon devrait permettre le renforcement des données et une meilleure différenciation des effets de lignées et des facteurs écologiques et sociaux conduisant à une augmentation de l’utilisation de la main pour saisir les objets grands et durs.Je remercie vivement le personnel du Duke Lemur Center et particulièrement David Brewer, Erin Ehmke et Kay Wesler pour leur assistance lors de la collecte des données.
Dans la littérature scientifique consacrée à l’expérimentation animale, des travaux ont mis en avant l’existence d’un « compartimentage mental » chez les scientifiques qui produirait une ...insensibilité à l’égard des animaux cobayes. Après avoir rappelé comment l’expérimentation animale a été encadrée depuis le milieu du xixe siècle, les résultats de deux enquêtes ethnographiques menées dans des laboratoires de recherche en physiologie animale et en xénotransplantation intra et inter-espèce sont exposés. Dans le premier laboratoire, l’observation participante donne à voir une pratique de l’expérimentation qui actualise une « forme sacrificielle » : le cobaye est plaint en tant que victime et traité avec sensibilité par les animaliers éleveurs qui s’occupent dans la durée des animaux, alors que les scientifiques apparaissent, pour leur part, plus détachés des cobayes. Dans le second laboratoire, l’observation met en évidence une pratique de l’expérimentation au cours de laquelle les primates sont traités comme des quasi-humains, tandis que les cochons, sur lesquels sont prélevés des organes, sont mis à distance et suscitent l’indifférence. Ainsi, dans les deux laboratoires, des expressions de sensibilité et d’insensibilité émergent de façon conjointe, quoique dans des configurations différentes ; la thèse du « compartimentage mental » doit être nuancée et les conditions de son apparition explicitées, afin de mieux comprendre le rapport qui se noue entre expérimentateurs et animaux cobayes.
Le présent article se donne pour objectif de participer à l’ouverture des sciences humaines aux autres qu’humains, dont les animaux. Il s’agira de participer à la réflexion épistémologique autour de ...ces autres existences. À partir d’une enquête ethnographique sur les relations entre professionnels et primates autres qu’humains en contexte d’expérimentation animale, on s’interrogera sur les catégorisations limitantes ou libérantes. Puis on se demandera dans quelle mesure la rencontre avec ces primates maltraités, altère (pour ne pas dire « affecte »). Autour d’une auto-socioanalyse et d’une réflexion sur l’accueil des résultats d’enquêtes, c’est finalement un fragment de la réalité de ces singes reclus (dans une terminaison goffmanienne) et de leur subjectivité qui sera livré.
Il s’agit de comparer la biomécanique de la démarche des singes avec celle des humains, lors de la phase d’appui du pied sur un support, et d’apprécier les conséquences qui en résultent. Le pied du ...singe est plat. Son tarse, ses métatarses et ses phalanges s’inscrivent sur une même ligne parallèle à ce dernier. Les charges de l’ensemble du corps se répartissent sur quatre membres. Lors de la phase d’appui du pas, le genou en légère flexion permet à l’ensemble du membre inférieur de fléchir un peu davantage, retenu par la plupart de ses grands muscles, qui amortissent le choc. Les orteils allongés augmentent d’autant la surface de la sole plantaire, réduisant encore la pression au centimètre carré. Point n’est besoin d’un système d’amortissement complémentaire. Le pied de l’homme se présente, comme ce que l’on appelle en architecture la « ferme » d’un toit, avec un montant postérieur, le calcanéum, un montant antérieur, constitué par les autres os du tarse ainsi que les métatarsiens, et une entretoise, qui s’avère active dans ce cas particulier, et qui est réalisée par les différents muscles courts extenseurs des orteils et de l’hallux. Lors de l’attaque du pas, la charge repose sur un seul membre. Le genou bloqué en rectitude empêche toute flexion et transmet au pied la totalité des forces d’appui. Au talon d’abord, au bord latéral, puis à la tête des métatarsiens, impliquant l’ensemble de la « ferme », qui a tendance à s’aplatir. C’est l’entretoise, qui va supporter la totalité la charge ce qui implique la contraction de l’ensemble des courts fléchisseurs des orteils. Ces deniers augmentent la surface portante de la sole en appliquant au support l’ensemble des phalanges distales, mais surtout ils évitent l’effondrement de la « ferme » et peuvent même dans certains cas augmenter sa cambrure. Ces différences notables mettent bien en évidence le fait que, même lorsqu’un Primate non humain se met debout, sa démarche reste foncièrement différente de celle de l’Homo sapiens.
Peut-on substituer l'animal à l'humain pour étudier le trouble mental ? À la fin des années 1960, le psychologue Harry F. Harlow de l'université du Wisconsin a formé le projet de modéliser, chez le ...singe, la dépression comme un trouble motivé par des chocs externes, se manifestant par une perturbation de la vie sociale. En retraçant les origines, les voies techniques et la marche de ce projet de psychopathologie expérimentale au cours des années 1970, et en confrontant ses ambitions à la récalcitrance des singes, cet article examine les ressorts de la fragilité des modèles animaux de troubles mentaux.
En vingt ans, le Parc zoologique et botanique de Mulhouse est devenu une référence en matière d’éducation environnementale sur son territoire et au-delà, acteur et partenaire du monde de l’éducation, ...mais également moteur de l’engagement populaire pour la préservation de l’environnement et promoteur d’un développement plus durable. Dans la grande diversité des activités éducatives du Parc zoologique et botanique de Mulhouse les Primates ont toujours été très présents aussi bien auprès des scolaires et des professionnels de l’éducation que du grand public. La richesse des espèces de Primates présentées au Parc (32 taxa) permet d’aborder un grand nombre de sujets naturalistes et scientifiques avec les publics de tous les âges. Par exemple, les Primates se sont révélés être des modèles extrêmement utiles pour affirmer ou développer la reconnaissance de l’appartenance de l’homme à cet ordre, en particulier dans la petite enfance. L’acceptation de l’altérité et de la diversité des espèces, concepts clés de la zooanthropologie, semble être plus facile à mettre en place chez les très jeunes enfants grâce à la proximité des hommes et des singes. Par contre, les adolescents peuvent être réticents à reconnaître cette proximité : c’est pourquoi l’étude de l’évolution des Primates et des Homininae est depuis longtemps une thématique phare proposée par le Parc aux enseignants et scolaires du secondaire. Basée sur l’observation et la théorie, l’approche pédagogique de l’itinéraire laisse une grande place à la discussion et parfois à la controverse.En vingt ans cette approche a évolué et s’appuie aujourd’hui sur les nouveaux outils de la bio-informatique pour la détermination des séquences génomiques, en particulier des Primates, qui permettent aux élèves d’établir un lien avec le programme en sciences de la vie et de la terre (terminale S). Utilisés pour la compréhension des mécanismes de spéciation, les Primates sont également valorisés et considérés comme moteurs de la protection des milieux naturels. La nécessité de les préserver est abordée spécifiquement lors des projets scolaires ou des visites pour le grand public illustrant les actions mises en place dans les programmes ex et in situ. Le Parc zoologique et botanique a essayé de rendre cette sensibilisation plus concrète en mobilisant les visiteurs autour d’actions engageantes, que ce soit par le biais d’échanges pédagogiques entre élèves ou de partage d’expérience lors des évènements festifs annuels au profit des espèces rares et des milieux naturels.