Cristina Vignali-De-Poli examine la question du mensonge dans la poétique et l’œuvre de Dario Fo. Le mensonge occupe une place non négligeable dans ses écrits sur son théâtre, et les figures de menteurs peuplent son univers dramatique. Le mensonge y est le lieu et l’instrument de la dénonciation socio-politique. L’article examine plus spécifiquement comment le mensonge devient de manière spectaculaire le moteur narratif de Guerra di popolo in Cile (1973), une pièce entièrement fondée sur un mensonge au public. Le dramaturge lui-même a souligné le recours au “mensonge” dans son Manuale minimo dell’attore – ce “manuel” que Fo réalise après une expérience de leçons de théâtre et où il théorise de façon joyeuse sa pratique théâtrale. C’est que son théâtre, politique, se veut un théâtre de déconstruction de la “vérité” du pouvoir, comme il l’affirme dans un chapitre de son Manuale minimo dell’attore, significativement intitulé Il falso, in teatro, è più attendibile. Par ce procédé paradoxal qui consiste à parvenir à la “vérité” par le biais du mensonge, le dramaturge entend faire un théâtre de la contre-histoire, de la contre-information et de la contre-culture, capable d’impliquer le spectateur, un spectateur qui doit être conscient de son propre rôle et non pas, pour reprendre une image qui est chère à Fo, se contenter de rester vautré dans son fauteuil.