La liberté d'expression n'a sans doute jamais été aussi vivante et répandue qu'aujourd'hui. Ce ne sont ni des conquêtes politiques, ni les progrès du droit qui portent ce mouvement contemporain de libération de l'expression publique, sous des formes les plus variées, mais d'abord et avant tout une révolution technologique : l'entrée dans l'ère d'Internet, et plus précisément du « web 2.0 » qui a vu se développer, de manière exponentielle, de nouveaux modes de communication interactifs, à travers les réseaux sociaux, les sites de partage de contenus, les plateformes, les moteurs de recherches. Désormais, chacun peut facilement s'exprimer publiquement, émettre de l'information, des idées et des créations, et, ce faisant, sans obstacle, ni coût, s'improviser journaliste, écrivain, porte-parole, artiste ou éditeur. L'expression publique n'est plus le monopole d'un nombre limité de médias et de professionnels soumis à des droits et obligations spécifiques. Elle ne passe plus par ces filtres traditionnels (« gate keeper ») dont la vitalité, l'indépendance, la qualité et le pluralisme sont depuis longtemps considérés comme des conditions de la démocratie. Mais alors que cette explosion de l'expression publique commence à peine, elle paraît déjà menacée par les nombreuses inquiétudes qu'elle suscite, y compris parmi les plus fervents défenseurs des libertés. Laisser la possibilité à tout un chacun d'exprimer publiquement ses convictions ou ses sentiments entraîne inévitablement des dérives et des abus, parfois choquants, qui mettent en péril le vivre-ensemble…