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Celotno besedilo
  • Willy Rohrbach

    08/2005
    Video Recording

    Né en 1939 à Montreux, Bernard Blatter enfant est fasciné par les jeux de lumière entre lac et montagnes. Il grandit dans une famille amoureuse des arts et c'est tout naturellement qu'il suit l'Ecole Cantonale des Beaux-Arts de Lausanne. Après quelques années de perfectionnement à l'étranger, il s'installe comme architecte d'intérieur dans sa ville natale. Déjà passeur, il organise des expositions dont "Les peintres du silence" au Musée Jenisch, bâtiment alors fort poussiéreux. En 1982, les autorités de la ville de Vevey lui proposent de reprendre ce Musée qui, sous sa direction, retrouve sa vocation première de musée des Beaux-Arts auquel est adjoint, en 1985, le Cabinet cantonal des Estampes. Bernard Blatter poursuit un chemin de vie avec les artistes qu'il invite au Musée et développe l'effacement de soi pour devenir l'écoutant de l'artiste. Dans cette perspective, il évoque avec émotion sa relation à Zoran Music. 00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-fixes consacré à Bernard Blatter, Directeur du musée Jenisch de 1982 à 2004, tourné à Montreux le 23 août 2005. L’interlocuteur est Charles Sigel. 00:00:11 – 00:02:15 (Séquence 1) : Bernard Blatter montre une gravure de Picasso datant de 1905 et qui représente Salomé dansant devant Hérode et tenant la tête de Jean-Baptiste. Bernard Blatter raconte comment il l’a acquise. Lorsqu’il avait 14 ou 15 ans, un ami l’avait invité chez lui à un bal d’adolescents. Bernard Blatter est tombé en admiration devant cette gravure accrochée au mur par le père de son ami. Quelques années plus tard, on l’a appelé pour estimer un lot d’œuvres où il retrouva cette gravure. Il raconta à son nouveau propriétaire comment il avait déjà eu l’occasion d’admirer cette œuvre et à quel point elle l’avait touché. On lui donna trois jours pour faire une proposition. Il rassembla toutes ses économies, proposa une somme dérisoire et on lui céda cette gravure de Picasso. Cette histoire lui donne le sentiment que cette œuvre était faite pour lui. 00:02:16 – 00:02:23 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-fixes consacré à Bernard Blatter, Directeur du musée Jenisch de 1982 à 2004, tourné à Montreux le 23 août 2005. L’interlocuteur est Charles Sigel. 00:02:24 – 00:04:25 (Séquence 3) : Bernard Blatter est revenu vivre dans la maison où il est né, il considère cela comme un privilège. Il aime le parc de la maison où il retrouve les lumières, les éclairages de sa prime enfance. Ce parc est habité par un hêtre rouge plus que centenaire, des ginkgos biloba d’un vert tendant sur le jaune et des saules pleureurs plongent leurs ramures dans un lac que la bise agite. Ces jeux de lumière et de pénombre qui se tiennent dans le jardin habitent le regard de Bernard Blatter. Ils ont certainement joué un rôle fondamental dans son existence. 00:04:26 – 00:06:39 (Séquence 4) : L’interlocuteur de Bernard Blatter lit une phrase tirée d’un livre d’Yves Bonnefoy consacré à l’ancien directeur du Musée Jenisch de Vevey : "Le visible repose sur l’invisible". Bernard Blatter connaît bien Yves Bonnefoy qui est un ami très proche. Il estime qu’il a saisi dans cette formule quelque chose de très juste en évoquant le rapport entre le lac et le Grammont. Le Grammont est une montagne imposante, sombre, de l’autre côté du lac, et dont la masse semble parfois flotter sur les tons nacrés du lac. Bernard Blatter explique que les neiges qui couvrent le sommet du Grammont jusqu’au début de l’été attirent le regard vers la hauteur. Cette lumière appelle le regard et laisse supposer que quelque chose se trouve au-delà du visible. 00:06:41 – 00:08:49 (Séquence 5) : Bernard Blatter se souvient de la lumière du regard bleu de sa grand-mère, qui vécut dans la maison où il se trouve. Elle a joué un rôle fondamental dans son existence bien qu’il l’ait perdue à l’âge de six ans. Il se souvient de l’impression qu’il ressentait lorsqu’il tendait les bras vers elle et qu’elle se penchait vers lui, comme une voûte, un firmament, le regard bienveillant, tendre. Il avait l’impression en se dressant vers elle de trouver quelque chose qui n’était pas si loin du paradis. Bernard Blatter éprouve quelque chose d’un peu semblable lorsqu’il se penche vers sa petite-fille. Il pense qu’il y a dans ces gestes une conjonction des regards où la personne âgée peut retrouver une part du paradis que constitue le mystère de l’enfance, ce "lieu d’avant le mot" comme dirait Yves Bonnefoy. 00:08:51 – 00:11:23 (Séquence 6) : Bernard Blatter s’est toujours considéré comme un passeur. Il a toujours transmis, offert et invité à parcourir avec lui et à travers les œuvres des autres un chemin qui conduit à un lieu du domaine de l’indicible où la qualité de la question importe plus que la réponse. Par les œuvres qu’il montrait au Musée Jenisch, il voulait ouvrir les yeux du public sur le monde. Bernard Blatter pense que les œuvres lorsqu’elles sont grandes nous ramènent au cœur de nous-mêmes et, comme à tâtons, nous font découvrir des choses assoupies en nous-mêmes et les font émerger. Avec son pinceau, l’artiste dissipe les ombres et par une fissure dans notre crypte intérieure nous propose un rayon de lumière. Bernard Blatter a une vision métaphysique de l’art tout en concevant que ce n’est pas la seule possible. 00:11:25 – 00:12:30 (Séquence 7) : Bernard Blatter vient d’un milieu relativement bourgeois, car son père était médecin dentiste. Sa mère était passionnée de littérature et de peinture et suivait tout ce qui se passait dans la peinture de la seconde moitié du XXe siècle. Pendant son enfance, Bernard Blatter a donc été entouré de livres et de catalogues d’expositions, sur l’art participant de l’histoire de l’art, mais aussi sur l’art plus contemporain. 00:12:32 – 00:13:47 (Séquence 8) : On demande à Bernard Blatter quelle est la première œuvre qu’il ait véritablement vue. Il explique que sa mère avait placé sur son lit d’enfant une reproduction d’une vierge de Piero della Francesca. Il se souvient de l’émotion qu’il ressentait vers l’âge de quatre ou cinq ans, de la présence à la fois altière et digne. Bernard Blatter explique qu’il s’agissait d’un détail de la vierge qui se trouvait dans le cimetière de Monterchi. Cette fresque a été déplacée. 00:13:50 – 00:16:02 (Séquence 9) : Bernard Blatter aime autant l’expression visuelle que musicale. Il a l’impression que la musique l’a choisi. Il a eu une révélation pour la musique en entendant le concerto pour violon de Mozart joué par Jacques Thibaud. Cette œuvre lui a révélé instantanément la merveille de la musique alors qu’il était allongé, légèrement grippé. Dans les semaines qui suivirent, il a commencé à apprendre le violon, l’instrument dont Jacques Thibaud jouait admirablement. Pour Bernard Blatter, il y a dans le concerto pour violon de Mozart une légèreté, une sorte d’envol et en même temps de mélancolie. Il y distingue également une sorte de lumière. Bernard Blatter parle aussi de la sensation physique dans le fait de produire un son avec un instrument. 00:16:05 – 00:17:37 (Séquence 10) : L’interlocuteur demande à Bernard Blatter quelle sorte d’enfant il était. Il était un enfant terrible, un "bougillon", mais par moment aussi un contemplatif mélancolique. Il était le cadet et son frère, atteint d’une grave maladie, était en quelque sorte un mort en sursis permanent. Bernard Blatter a toujours eu conscience que la mort était là et n’était pas une chose se trouvant aux limites de l’existence. Cette ombre a toujours existé pour lui, tout comme la soif de vivre dont font preuve les malades. 00:17:41 – 00:19:26 (Séquence 11) : Bernard Blatter a suivi l’orientation peinture de l’Ecole cantonale des beaux-arts à Lausanne. Il est ensuite parti suivre les cours de l’Ecole Nissim de Camondo à Paris. Il s’agit de l’Ecole centrale des arts décoratifs qui prépare à devenir architecte d’intérieur, selon la définition de France. Dans cette école, Bernard Blatter a eu des professeurs extraordinaires et passionnants qui préféraient donner leur cours dans leur hôtel particulier entourés d’objets merveilleux plutôt que dans une salle de classe, et qui s’exprimaient dans une langue sublime, d’une richesse incroyable. La maison idéale de Bernard Blatter n’est pas une maison avec de grandes baies vitrées, ouverte sur l’extérieur mais plutôt une sorte de coquille où l’on peut se replier, entrer en soi-même. 00:19:30 – 00:21:00 (Séquence 12) : Bernard Blatter parle des objets qui l’entourent à l’intérieur de sa maison. Il y a derrière lui une sculpture de Jean Fautrier. Bernard Blatter aime infiniment cet artiste qui est un merveilleux graveur et dessinateur, un peintre passionné qui empoigne la masse picturale et un sculpteur qui n’a pas encore la place qu’il mérite. Bernard Blatter parle aussi du rapport qu’il a avec les œuvres de Bissier. Il prie avec Bissier et ses miniatures sont pour lui des sortes d’icônes mais libérées de leur côté figé. Les prières qu’il dit avec les œuvres de Bissier donnent la possibilité de s’élancer dans un espace à venir, tout comme le concerto de Mozart qu’il a évoqué précédemment. 00:21:04 – 00:24:57 (Séquence 13) : Bernard Blatter a été décorateur d’intérieur pendant une quinzaine d’années, cela l’a préparé au métier de conservateur de musée, métier qu’il ne s’attendait pas à exercer. Bernard Blatter enseignait l’histoire de l’art parallèlement à son activité de décorateur et, dans ce cadre, organisait des expositions assez importantes. Il avait aussi monté quelques expositions au Musée Jenisch qui se trouvait être un bâtiment un peu endormi, laissé à son état pendant plus de 70 ans. Bernard Blatter pense que c’est le succès de l’exposition intitulée "Les peintres du silence" qui a poussé le syndic Bernard Chavannes et certains autres acteurs veveysans à lui proposer la direction de ce musée. Bernard Blatter estime que les personnes qui ont fait appel à lui devinaient bien le chemin qu’il entendait faire prendre à l’institution. Bernard Blatter est infiniment redevable