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  • Nécrose digitale sous pembr...
    Levraut, M.; Martis, N.; Drappier, C.; Rocher, F.; Rosenthal, E.; Fuzibet, J.G.; Evesque, L.; Queyrel, V.

    La revue de medecine interne, June 2018, 2018-06-00, Volume: 39
    Journal Article

    De nombreux effets indésirables liés à l’immunité (EILI) ont été décrits avec les anticorps thérapeutiques spécifiques de molécules de costimulation négatives (check-point inhibiteur) dans le cadre de l’immunothérapie antinéoplasique. Nous rapportons le cas peu décrit d’une nécrose digitale bilatérale imputable au pembrolizumab, inhibiteur de Programmed Cell Death protéine-1 (PD-1). Un homme de 74 ans, aux antécédents d’hypertension et en cours de traitement pour un adénocarcinome œsophagien T3N1, se présentait avec des lésions nécrotiques pulpaires des 2e et 3e doigts de la main droite et 4e doigt de la main gauche. Les premiers symptômes avaient commencé 6 mois auparavant, à 1 mois de l’initiation du pembrolizumab à 2mg/kg administrée selon une périodicité de 3 semaines et consistaient en des paresthésies des extrémités des membres supérieurs s’aggravant progressivement. L’examen physique identifiait des lésions pulpaires nécrotiques, douloureuses, mal limitées sans autre signe cutané en dehors d’un phénomène de Raynaud bilatéral. La manœuvre d’Allen était pathologique de manière bilatérale mais les pouls périphériques étaient conservés. Il n’y avait ni fièvre, douleur thoracique, souffle cardiaque ou arythmie. L’angioscanner aortique et l’échocardiographie étaient normaux. L’échographie-doppler artérielle retrouvait des thromboses de l’artère ulnaire droite et des artères digitales des 2e et 3e doigts de la main droite et du 4e doigt de la main gauche. Biologiquement, le syndrome inflammatoire était peu marqué avec une CRP à 9,2mg/L. La fonction rénale n’était pas altérée et l’hémogramme normal. Les explorations microbiologiques n’étaient pas contributives. Les facteurs antinucléaires étaient positifs à 1/640, sans spécificité et les ANCA négatifs. L’exploration du complément était normale sans argument pour une cryoglobulinémie. Le bilan de thrombophilie comprenant le dosage plasmatique d’homocystéine, recherche d’anti-phospholipides et les mutations usuelles de syndrome myéloprolifératif était négatif. Le patient a été traité par une anticoagulation curative, une antiagrégation plaquettaire et un traitement vasodilatateur adjuvant par ilomédine puis inhibiteur calcique. L’évolution à 1 mois était favorable mais le patient a été par la suite perdu de vue. Sur les critères de la pharmacovigilance, on a retenu l’imputabilité du pembrolizumab. Les EILI liés à l’immunothérapie sont progressivement mieux décrits. Ils résultent de la levée d’inhibition des lymphocytes T CD8+ par la destruction de la liaison avec la cellule tumorale (liaison PD-1/PD-L1) induisant la prolifération de lymphocytes polyclonaux antitumoraux au prix d’une réponse lymphocytaire systémique de cellules T CD8+ autoréactives. Les EILI secondaires aux anti-PD-1 touchent environ 70 % des patients traités, avec une toxicité majoritairement de grades 1–2 1. Ils apparaissent comme un bon marqueur de l’activité antitumorale du traitement. L’atteinte cutanée est fréquente mais on décrit aussi des manifestations digestives, endocriniennes, musculo-squelettique, immunohématologiques et une atteinte pulmonaire pouvant engager le pronostic vital 2. Le traitement de ces effets indésirables est adapté au grade des EILI et consiste avant tout en une corticothérapie systémique. L’éviction de l’immunothérapie peut être proposée en cas d’EILI grave mais expose au risque de rechute néoplasique. Enfin, certains auteurs rapportent l’efficacité de traitements immunosuppresseurs tels que le mycophénolate mofétil ou l’azathioprine 2. À notre connaissance, il s’agit du deuxième cas rapporté de thrombose artérielle imputable au pembrolizumab 3. Les évènements thrombotiques, bien que non mis en évidence dans les essais de phase I/II, peuvent être expliqués par un effet pro-inflammatoire et pro-athérogène des anti-PD1. Cependant, on ne peut pas exclure une toxicité vasculaire secondaire à des chimiothérapies (i.e. sels de platine) antérieures. Leur traitement est symptomatique et antithrombotique. La thrombose artérielle est une manifestation peu décrite sous immunothérapie anti-PD1 et doit amener à discuter son interruption. Cela amène à une plus grande vigilance dans le contexte d’accumulation de facteurs de risque cardiovasculaires qu’il convient de contrôler lors de l’initiation de l’immunothérapie.