Résumé
En prenant comme champ d’observation la période de transition qui mène du français classique au français moderne, cette étude essaye de montrer comment l’évolution des relations cataphoriques ...est en relation avec les changements qui ont conduit à la « phrase complexe » du français moderne et contemporain. Adoptant une définition large de la cataphore, on prend en considération non seulement les constructions qui présentent des formes anaphoriques, mais également les constructions qui contiennent des anaphores sous-jacentes, avec, en particulier, le cas des prédications secondes. Sont examinées les modifications qui concernent les degrés de la connaissance partagée, en montrant comment la relation cataphorique s’exerce de plus en plus fréquemment sur des référents à faible degré de saillance, qui doivent être réactivés.
On s'interrogera, dans cet exposé, sur les conditions nécessaires, tant au plan théorique qu'au plan méthodologique, pour que la prise en compte de la dimension diachronique par la linguistique ...textuelle puisse constituer une discipline dotée de ses notions et de ses problématiques propres, de la même façon que la spécificité de l'approche diachronique sait être reconnue lorsqu'il s'agit de phonétique, de morphosyntaxe ou de sémantique. Si bon nombre d'études existent déjà dans certains sous-domaines (on peut par exemple évoquer le discours rapporté, le fonctionnement des expressions anaphoriques ou le rôle des temps verbaux), on soulignera le fait que, dans la plupart des cas, les phénomènes ne sont pas vraiment étudiés dans une perspective de linguistique textuelle. Il suffirait de citer les travaux, relativement nombreux, sur la pragmaticalisation, sur l'évolution des modalisateurs, des marqueurs de topicalisation, par exemple, qui constituent en fait des applications de la théorie de la grammaticalisation, des illustrations d'opérations comme la réanalyse et l'analogie. Tout se passe comme si les faits de linguistique textuelle étaient utilisés dans une autre optique, comme si la dimension diachronique conduisait à donner la priorité à l'étude des mécanismes du changement. Notre objectif sera d'insister ici sur quelques problématiques transversales, qu'une approche souvent trop restreinte a quelque peu occultées et qui demeurent implicites, mais qu'il conviendrait de prendre en compte si on a pour objectif la construction d'une discipline bien identifiée. Il est vrai qu'indépendamment de la question de la diachronie, la linguistique textuelle présente de nombreuses facettes ; cela ne nous semble cependant pas empêcher la reconnaissance de problèmes généraux, qui se posent quelles que soient les approches adoptées. A- Les questions transversales : a- La linguistique du texte, conçue comme une étude du système de la langue prenant en compte la dimension discursive, repose fondamentalement sur la notion de "codage" : elle s'appuie obligatoirement sur l'observation des relations qui s'établissent entre les marques fournies par le système linguistique et les catégories textuelles. Si les diverses parties du système sont en constant changement, les "notions" textuelles le sont aussi. Quels rapports faut-il alors établir entre ces deux évolutions ? Peut-on raisonner en termes de causes et d'effets ? b- La linguistique du texte, quel que soit le type d'approche, semble devoir nécessairement prendre en compte la dimension cognitive, dans la mesure où la question des activités de production et de réception des textes joue un rôle fondamental. Comment peut-on aborder, en diachronie, cet aspect de l'analyse ? La notion de cohérence joue le même rôle, toutes proportions gardées, que celle de grammaticalité en syntaxe, tout en n'étant évidemment pas de même nature. Cette question présente des difficultés quasiment insurmontables lorsque l'on travaille en diachronie. On essayera toutefois de signaler quelques pistes qui pourraient permettre des avancées, en particulier sur les modes de lecture, sur l'évolution de la notion de texte et de celle de textualité. B- Dans cette optique générale, seront développés quelques points particuliers, qui se recoupent plus ou moins. a- La question des unités pertinentes (proposition, phrase, période, clause, ...) et des "paliers de traitement" des diverses opérations qui assurent la cohérence du texte, question étroitement liée à celle de la portée ; b- La typologie des textes : elle ne peut être conçue comme un cadre fixe qui s'appliquerait aux textes de toutes les époques. Comment prendre en compte l'évolution des conceptions de la textualité en ce domaine ? On illustrera ce point par l'exemple de l'émergence, en moyen français, du texte descriptif, émergence qui peut être mise en rapport avec l'évolution des marques linguistiques permettant l'autonomie progressive de ce type de texte ; c- Cette évolution de la conception de la cohérence et de la textualité trouve son application dans des domaines particuliers. Nous citerons trois types d'exemples : - le traitement des référents, avec la façon dont s'effectuent des opérations comme l'introduction d'un référent nouveau ou la redénomination d'un référent qui doit être réactivé ; - l'évolution de la perspective fonctionnelle de la phrase, et, en particulier, le passage, de l'ancien français au moyen français, d'une conception qui donne la priorité à l'identification du thème à un codage qui prend en compte les divers degrés du dynamisme communicatif ; - l'évolution de notions comme l'opposition des plans ou la distinction récit / discours. Nous insisterons, en conclusion, sur l'importance de ces problématiques pour d'autres domaines de la linguistique diachronique ; nous pensons par exemple, aux diverses approches du changement et, en particulier à celles qui s'appuient sur le concept de grammaticalisation, sur la notion de réanalyse : suffit-il de montrer l'importance du contexte, sur laquelle tout le monde s'accorde ? Ou encore de mettre en relation divers niveaux d'analyse ? Le niveau textuel est évidemment fondamental, mais quel rôle joue-t-il et quel est son fonctionnement à telle ou telle époque ? Comment prendre en compte la relativisation nécessaire que nous avons essayé de décrire ?
Le but de cet article est d'analyser, d'un point de vue diachronique, l'alternance que / ce que dans la formation des locutions conjonctives. On examinera plus particulièrement le cas des locutions ...temporelles, en insistant sur la nécessité de prendre en compte l'origine des deux constructions : corrélations de type ‹comparatif› dans le cas des expressions en que , structures relatives dans le cas de ce que . Cette différence permet d'expliquer que les locutions en que fonctionnent comme le tour non marqué dans l'opposition, dans la mesure où elles peuvent se rencontrer dans tous les types de contextes, tandis que les formes en ce que n'apparaissent que dans des contextes non actualisants.
This paper aims to provide an analysis, from a diachronic point of view, of the variation between que and ce que in the development of complex conjunctions in French. More particularly, we ...investigate temporal phrases, focusing on the necessity to take into account the source of the two structures: comparative correlation for que phrases, relative structures for ce que conjunctives. This difference allows us to explain that que phrases function as the unmarked case in the opposition, occurring in all sorts of contexts, while ce que phrases are used only in actualizing contexts.
Le but de cet article est d’examiner le fonctionnement discursif des constructions disloquées en français. On étudie successivement la dislocation gauche (« ce livre, je l’ai lu ») et la dislocation ...droite (« je l’ai lu, ce livre »), en montrant ce qui les distingue dans le domaine de la connaissance partagée. La prise en compte du degré de saillance du référent concerné permet de rattacher cette question à celle du dynamisme communicatif et de voir dans quelle mesure chacune de ces constructions participe au marquage de la rhématicité du syntagme verbal.
Dans cet article, nous étudions une construction à interprétation concessive qui concerne les phrases complexes, en ce sens qu’elle met en jeu deux segments propositionnels. Le modèle de description ...retenu est celui des grammaires de construction, et notamment celui de la hiérarchisation en macro-, méso- et micro-constructions (Traugott, Trousdale). Notre point de départ est la forme « si + adjectif+ relative en que au subjonctif », la plus représentée en français contemporain. Par exemple : « mon mari si gentil qu’il soit a du mal à suivre mes changements d’humeurs » (forum, web, 2015). Notre étude soulève très vite la question des formes concurrentes, en diachronie et en synchronie. La piste principale pour expliquer l’origine des concessives en si... que est celle des constructions comparatives. Notre réflexion s’organise en trois temps : Nous proposons d’abord un rappel de l’intérêt du cadre théorique et des « outils » retenus, de la relation de discours concessive et des formes existant en français contemporain pour exprimer la concession. Vient ensuite l’analyse des deux micro-constructions comparatives diachroniquement premières, tant/si ... comme/que. Nous montrons d’une part les étapes du passage de la construction « tant + adjectif + comme » à « si + adjectif + que », d’autre part le passage du sens comparatif au sens concessif. Enfin, nous ouvrons la réflexion à des micro-constructions apparentées qui, bien que postérieures, présentent beaucoup de similitudes avec la micro-construction concessive en si...que. Il s’agit des cas où l’on trouve tout et quelque comme adverbes. Ils méritent d’être interrogés également du point de vue de l’intensivité. Nous terminons sur bien que, connecteur prototypique de la subordination concessive aujourd’hui. Même si l’usage de cette conjonction est, en français contemporain, hors du cadre de notre analyse, en diachronie, bien que peut aussi être envisagé comme procédant d’une micro-construction comparative en combien que P, Q. L’objectif à moyen terme est l’explicitation d’un réseau d’héritage de propriétés entre les différentes micro-constructions mentionnées. Pour y arriver, encore faudra-t-il élucider quelques problèmes et formuler quelques hypothèses que nous exposons dans la conclusion. In this paper, we study a concessive construction conveyed by complex sentences combining two propositional segments. Our description follows the guidelines of Construction grammars, specifically the hierarchical organization into macro-, meso- and micro-constructions (Traugott, Trousdale). Our starting point is the form « si + ADJ + que- relative clause in the subjunctive », which is the most frequent in contemporary French, as in: « Mon mari, si gentil qu’il soit, a du mal à suivre mes changements d’humeur » (forum, web, 2015) (My husband, however nice he is, can hardly folllow my mood shifts). Our study immediately raises the question of competing forms, whether in a diachronic or synchronic perspective. The main insight in accounting for the origin of « si ... que » constructions is their proximity to comparative constructions. The paper is divided into three parts. First, we offer a few reminders about the theoretical framework and the tools of Construction grammars, about the notion of concessive relation in general and about its manifestation in contemporary French. Next we turn to an analysis of the two earliest comparative constructions « tant/si ... comme/que ». We describe the evolution stages from « tant + ADJ + comme » to « si + ADJ + que » and the path from the comparative to the concessive meaning. We then consider kindred micro-constructions which, even though they emerge only later, have many similarities to the « si ... que » micro-construction, namely constructions with the adverbials « tout » and « quelque ». We discuss in particular the relation to high degrees on a scale. Last, we focus on « bien que », a prototypical concessive marker in contemporary French. Although, in its contemporary use, « bien que » is outside the scope of our analysis, under a diachronic perspective, « bien que » can be considered as deriving from a comparative micro-construction « combien que P, Q ». Our middle-term goal is to spell out an inheritance network describing the hierarchical relations between the mentioned micro-constructions. However, this presupposes that some additional problems and hypotheses be addressed and clarified, and we list them in the conclusion.
The purpose of this study is to examine from a diachronic point of view the competition of past conditional and past perfect subjunctive in the hypothetical system expriming unreal past condition, ...the conditional taking gradually the place of the subjunctive in mixed systems. By taking into account preclassic and classic French period, we shall try to verify the hypothesis that the respective order of the subordinate and the main clause is one of factors of evolution, the order protase+apodose favoring the use of conditional, which appears as being an integral part of prototypical hypothetical construction, while unreal condition expressed by subjunctive is less dependent on syntactic context.
Les ajouts après le point Combettes, Bernard
Neuphilologische Mitteilungen,
01/2019, Letnik:
120, Številka:
2
Journal Article
Recenzirano
Cette contribution a pour but de déterminer la place de l’ajout après le point parmi les constructions à détachement. Après avoir examiné les caractéristiques syntaxiques de cette configuration ...particulière de l’énoncé écrit, qui consiste à séparer par une ponctuation forte un constituant appartenant à la structure phrastique, on compare sa fonction informationnelle à la celle de la dislocation droite et on souligne la spécificité de sa fonction énonciative. L’observation de la diachronie de la structure en ajout permet ensuite de constater comment, à partir du français classique, ce détachement prend peu à peu le statut qu’il aura en français moderne et contemporain, et comment, s’il peut être considéré comme un cas de déviance dans l’écriture de type périodique, il constitue un élément beaucoup mieux intégré au système de la phrase écrite moderne.
Le but de cette étude est d’examiner d’un point de vue diachronique la concurrence du conditionnel passé et du subjonctif plus-que-parfait dans le système hypothétique de l’irréel du passé, le ...conditionnel prenant peu à peu la place du subjonctif dans les systèmes mixtes. En prenant en compte la période du français préclassique et classique, on essayera de vérifier l’hypothèse que l’ordre respectif de la subordonnée et de la proposition principale est l’un des facteurs de l’évolution, la séquence protase + apodose favorisant l’emploi du conditionnel, qui apparaît comme faisant partie intégrante de la construction hypothétique prototypique, alors que la valeur d’irréel du subjonctif est moins dépendante du contexte syntaxique.