Le syndrome de Schnitzler est une maladie auto-inflammatoire rare dont les manifestations cliniques habituelles sont une éruption cutanée urticarienne, fièvre, arthralgies associées à une gammapathie ...monoclonale IgM. L’évolution vers une hémopathie est possible dans 15 à 30 % des cas, survenant après en moyenne 5 à 10 d’évolution et souvent vers un lymphome lymphoplasmocytaire 1,2. Nous rapportons le premier cas, qui nous semble publié à ce jour, d’un patient suivi pour un syndrome de Schnitzler et évoluant vers un lymphome de Hodgkin à 2 ans de la prise en charge thérapeutique.
Un patient de 54 ans présente un syndrome de Schnitzler diagnostiqué devant un tableau initial d’altération de l’état général accompagné d’arthromyalgies diffuses, d’éruption cutanée urticarienne du tronc, de polyadénopathies. Une première cytoponction est faite au diagnostic ne retrouvant pas d’hémopathie mais un ganglion réactionnel. Biologiquement, il présente un syndrome inflammatoire avec une CRP à 50mg/L et de la présence d’un pic monoclonal IgM kappa à 2,7g/L. Le patient est initialement traité par corticothérapie puis rapidement par anakinra devant une corticorésistance. Il sera ajouté secondairement du méthotrexate pour une atteinte articulaire insuffisamment contrôlée. Le patient présente une aggravation sur 6 mois des adénopathies cervicales unilatérales droites de 10cm de diamètre, non inflammatoires. Il ne présente pas d’altération de l’état général, de fièvre, ni de sueurs nocturnes. Il ne présente aucun argument clinico-biologique pour une rechute du syndrome de Schnitzler. Le TEP scanner retrouve une progression métabolique ganglionnaire cervicale droite ainsi que des adénopathies médiastinales. La NFS est sans anomalies. L’immunophénotypage lymphocytaire dans le sang est normal. Un myélogramme est réalisé ne retrouvant pas d’anomalies, notamment pas de plasmocytose. La recherche par biologie moléculaire de MYD88 est négative dans le sang et dans la moelle. Une nouvelle biopsie ganglionnaire est réalisée qui retrouve un lymphome de Hodgkin classique à cellularité mixte EBV positif. Un traitement par ABVD est débuté et le traitement par méthotrexate est arrêté. Le traitement par Kineret est maintenu avec un espacement des injections tous les 3jours pour éviter de majorer son immunodépression tout en évitant la rechute de manifestions auto-inflammatoires du syndrome de Schnitzler.
Nous présentons un cas inédit d’un patient présentant rapidement, dans les 2 premières années suivant le diagnostic d’un syndrome de Schnitzler, un lymphome de Hodgkin. Classiquement, le syndrome de Schnitzler évolue le plus souvent vers une maladie de Waldenström, survenant après plusieurs années d’évolution. Il est également rapporté des cas de lymphome B diffus à grandes cellules ou de lymphomes de la zone marginale 1,2. La physiopathologie reste encore mal connue élucidée mais il s’agit d’une infiltration progressive des organes hématopoïétiques liés à l’évolution lente du clone lymphoplasmocytaire. Dans ce cas, l’apparition du lymphome de Hodgkin chez ce patient reste atypique en raison de l’évolution très rapide, en lien avec une prolifération des cellules B anormales de Reed-Sternberg, non associée à la gammapathie monoclonale. Cette hémopathie n’était pas présente au diagnostic, et le bon contrôle du syndrome de Schnitzler semblait en contradiction avec l’apparition des adénopathies. Dans ce cas, l’évolution vers le lymphome de Hodgkin a pu être favorisée par la prise d’immunosuppresseurs comme le méthotrexate pour lequel il est rapporté des syndromes lymphoprolifératifs bien que le lien direct avec la molécule soit débattue 3 ou liée à l’anakinra bien que cela reste discuté dans la littérature en raison de données insuffisantes 2. Le délai de survenue de l’hémopathie nous semble très rapide pour imputer cela à la seule prise d’immunosuppresseur.
Ce cas montre l’importance de la surveillance clinique des patients suivis pour un syndrome de Schnitzler et la nécessité de biopsier ou rebiopsier les adénopathies en cas de doute diagnostique.
Les deux mécanismes les plus fréquents d’hypofibrinogénémie acquise sont soit un défaut de synthèse dû à une défaillance hépatique, soit une augmentation de sa consommation (par exemple coagulation ...intravasculaire disséminée – CIVD – ou plus rarement fibrinolyse). Nous rapportons ici le cas d’une hypofibrinogénémie acquise satellite d’une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS).
Une patiente âgée de 89ans était prise en charge en cardiologie en raison d’un rétrécissement aortique serré, symptomatique. Ses antécédents étaient marqués par une fibrillation atriale emboligène, avec thrombose basilaire, pour laquelle elle était anticoagulée par rivaroxaban. Dans le cadre d’un bilan pré-TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation), une coronarographie était réalisée, révélant des sténoses sur les coronaires droite et gauche. Ce geste a eu pour complication un hématome au niveau du point de ponction radial, associé à un faux anévrisme nécessitant une suture artérielle. Le bilan d’hémostase montrait alors : TP 39 %, ratio TCA patient/témoin 1,49, activité antiXa à 0,83 UI/mL. Après avis spécialisé d’hémostase, un dosage du fibrinogène était rajouté : il était abaissé à 0,2g/L.
L’interrogatoire soulignait les éléments suivants : un syndrome hémorragique apparu 4 mois auparavant fait d’ecchymoses, d’épistaxis et de larges hématomes sous-cutanés pour des traumatismes minimes. Ceci était discordant avec deux accouchements par voie basse sans saignement anormal. Un dosage du TP était subnormal un an auparavant à 73 %. Seul un de ses trois enfants rapportait des epistaxis quand il était enfant, banales. L’examen clinique de la patiente montrait des hématomes récents sur les bras et la jambe droite. Sur le plan biologique, le bilan d’hémostase a été recontrôlée puis complété : TP toujours à 32 %, ratio TCA 1,74, fibrinogène 0,2g/L (N : 2 à 4g/L). Les facteurs V, II VIII et l’activité du facteur Von Willebrand étaient normaux à respectivement 74 %, 82 %, 110 % et 53 %. Il n’y avait pas d’élévation des D-dimères pouvant témoigner d’une CIVD. L’hypofibrinogénémie était confirmée par un dosage du fibrinogène antigène :<0,3g/L. Il n’y avait pas de déglobulisation ni d’anomalie de l’hémogramme.
Devant cette hypofibrinogénémie de révélation tardive, une pathologie dysimmunitaire ou hématologique a été recherchée. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien ne retrouvait pas de syndrome tumoral, le dosage des anticorps antinucléaires était négatif. L’électrophorèse des protéines sériques révélait un pic dans les gammaglobulines à 3g/L, de type IgG kappa à l’immunofixation, avec un déséquilibre des chaines légères sériques : ratio à 2,5 avec chaînes Kappa à 44mg/L, chaînes Lambda à 17mg/L. L’enquête a été poursuivie par un bilan d’hémostase comprenant TP, TCA et fibrinogène chez ses enfants, tous normaux. Un test de récupération avec du fibrinogène (injection de 2g de fibryga®) a montré une bonne récupération mais une demi-vie raccourcie en faveur d’un mécanisme acquis : T1/2 à 24heures contre 72 à 96heures en situation normale. Enfin, afin de rechercher une action inhibitrice du composant monoclonal, une épreuve croisée avec du plasma témoin a été réalisée : nous n’avons pas observé d’hypofibrinogénémie dans le plasma témoin après adjonction du plasma de la patiente. Par analogie avec le traitement des maladies de Willebrand acquises satellites de gammapathie monoclonale non IgM, un test aux immunoglobuline smonoclonales (2g/kg) a été réalisé, sans efficacité.
La complication hémorragique initiale sur le point de ponction radial n’a pas nécessité de recours à du fibrinogène IV. Par la suite, après évaluation multidisciplinaire avec nos collègues cardiologues et gériatres, la TAVI n’a pas été réalisée et l’anticoagulation curative par rivaroxaban a été remplacée par une anti-agrégation simple par clopidogrel. La patiente n’a pas présenté de nouvel évènement hémorragique sévère avec deux ans de recul.
Les cas d’hypofibrinogénémie acquise non liés à une insuffisance hépatocellulaire ou à une CIVD/fibrinolyse sont exceptionnels. Des cas secondaires à une leucémie aiguë 1, un myélome 2 ou une MGUS IgA 3 ont été rapportés dans la littérature. Dans les deux derniers cas, la preuve de l’action inhibitrice sur le fibrinogène a été faite par la normalisation du bilan d’hémostase sous chimiothérapie dans le cas du myélome ou après adjonction d’un anticorps anti-IgA au sérum dans le cas d’une MGUS IgA. Bien que cette démonstration n’a pu être faite dans le cas que nous rapportons, l’absence d’antécédent hémorragique personnel et familial, ainsi que l’altération de la demi-vie du fibrinogène injecté ont plaidé en faveur d’un mécanisme acquis.
Silence, ça tourne Larrauffie, A.; Porcheron, M.; Pariente, J. ...
La revue de medecine interne,
September 2023, 2023-09-00, Volume:
44, Issue:
9
Journal Article
Les myopathies inflammatoires idiopathiques (MII) sont un groupe de connectivites hétérogènes regroupant les dermatomyosites (DM), les polymyosites (PM), les syndromes des anti-synthétases (SAS), les ...myosites nécrosantes auto-immunes (MN) et les syndromes de chevauchement (SDC). Ces pathologies sont les connectivites les plus graves avec un taux de mortalité élevé à 30 % 1. Aucune étude n’a montré de différence significative en termes de mortalité entre ces différents sous-groupes. Les études ont comparé les dermatomyosites versus les polymyosites sans différence significative 2.
Une étude rétrospective a été menée à partir de la cohorte MIIRTALITY regroupant les patients suivis pour une MII de 2010 à 2022 issus des différentes bases de données hospitalières, de radiologie, d’anatomopathologie et d’immunologie du CHU de Toulouse. Les patients étaient inclus s’ils étaient inclus dans la cohorte MIIRTALITY, avait un suivi de plus d’un an ou un décès précoce, avec un diagnostic posé entre 2010 et 2020 et s’ils répondaient aux critères de classification de l’EULAR de 2017 et/ou de l’ENMC de 2019. Ils étaient ensuite différenciés entre les 5 sous-groupes à savoir les DM, les PM, les SAS, les MN et les SDC.
225 patients ont été inclus, répartis entre 83 DM (36,9 %), 14 PM (6,2 %), 55 SAS (24,4 %), 24 MN (10,7 %) et 49 SDC (21,8 %). L’âge médian est de 59 ans 46–69 ans avec une prédominance féminine (n=133, 59,1 %). La durée médiane de suivi est de 4 ans 2–7 ans. L’atteinte musculaire est retrouvée chez 196 patients, soit 87,1 %. Les CPK sont élevés pour 165 patients (61,1 %). Les ACAN sont positifs pour 177 patients (80,1 %). Un cancer est retrouvé associé chez 29 patients (12,8 %).
33 patients sont décédés dans la cohorte.
Le taux de mortalité des MII au sein de notre cohorte est de 14,7 % avec une incidence cumulée de 3,1 pour 100 personnes années. La probabilité de survie de la population totale est de 95,5 % à 1 an, 85,5 % à 5 ans et 73 % à 10 ans.
L’analyse comparative a montré une différence significative entre les sous-groupes (p=0,03) avec une mortalité plus importante dans le groupe des dermatomyosites versus les autres sous-groupes avec une différence significative avec un HR à 3,32 (IC95 % 1,61–6,86).
Les syndromes des anti-synthétases sont le sous-groupe avec le meilleur pronostic avec un HR à 0,41 (IC95 % 0,19–0,88). Il n’existe pas de différence de mortalité entre les autres différents sous-groupes.
Les causes de mortalité retrouvées sont les causes infectieuses dans 30,3 % (10 patients), les cancers et les causes pulmonaires dans 18,2 % (7 patients), puis les causes cardiaques dans 9 % (3 patients).
Les facteurs de risque de mortalité retrouvés pour les MII sont l’association à un cancer avec un HR à 12,2 (IC95 % 3,09–48,13). Le facteur protecteur retrouvé est le fait d’être atteint d’une autre MII que la dermatomyosite (HR 0,37–IC95 % 0,18–0,76).
Le taux de mortalité de 14,7 % retrouvé dans notre étude est un des plus faible parmi les études de cohorte réalisées, probablement en raison du caractère récent de notre étude et de l’amélioration de la prise en charge au cours des dernières années. La comparaison entre les sous-groupes montre que les dermatomyosites sont le sous-groupe de MII avec le taux de mortalité le plus sévère. Les syndromes des anti-synthétases sont retrouvés comme le sous-groupe ayant le meilleur pronostic.
L’amélioration des connaissances sur ces pathologies est importante pour mieux caractériser les différents sous-groupes qui ont un phénotype et un pronostic différent. Cela souligne l’intérêt d’une prise en charge personnalisée, adaptée à chaque patient, avec une surveillance plus accrue particulièrement pour les dermatomyosites et de poursuivre l’amélioration de la prise en charge thérapeutique pour améliorer la survie chez ces patients.