Un déficit moteur fébrile Maquet, J.; Faruch, M.; Martin-Blondel, G.
La revue de medecine interne,
December 2021, 2021-12-00, 2021-12, Volume:
42, Issue:
12
Journal Article
Peer reviewed
Open access
Une femme, âgée de 23 ans, originaire d’Inde, présentait une douleur interscapulaire et un déficit moteur des extenseurs des doigts et des muscles interosseux de la main gauche depuis 48 heures. Elle ...n’avait pas d’antécédent notable. Elle décrivait une fièvre et un amaigrissement évoluant depuis six mois et une claudication intermittente indolore obligeant l’arrêt de la marche après quelques centaines de mètres depuis deux semaines. Le scanner cérébral sans injection de produit de contraste était normal. Le scanner thoracique montrait une polyadénomégalie médiastinale.Une IRM médullaire était pratiquée
Le purpura thrombopénique immunologique (PTI) est une maladie rare considérée comme bénigne. Les patients ont néanmoins une survie diminuée par rapport à la population générale. Bien que ...l’augmentation du risque de lymphome au décours du diagnostic de PTI ait été établie, l’épidémiologie des cancers reste mal connue dans cette population. Les objectifs de cette étude étaient de mesurer l’incidence des cancers solides et des hémopathies malignes chez les patients adultes atteints de PTI primaire (primaire au diagnostic de PTI), et d’évaluer le risque de survenue de cancer à 5 ans comparé à la population générale.
Les patients adultes atteints de PTI primaire incident entre janvier 2011 et décembre 2018 ont été sélectionnés dans le Système National des Données de Santé (SNDS). Les patients étaient identifiés par le code D69.3 de la Classification internationale des maladies, 10e version (CIM-10), comme diagnostic hospitalier ou affection de longue durée (ALD). Le caractère incident était défini par une période de recul de 2 ans. Les patients avec un code CIM-10 d’anémie hémolytique auto-immune (D59.1) ou de cause de PTI secondaire (hémopathies malignes incluses) dans l’année précédant le diagnostic de PTI étaient exclus. Les patients atteints de cancer solide ou d’hémopathie maligne étaient identifiés via les codes CIM-10 correspondants comme diagnostic hospitalier ou ALD. Le caractère incident était défini par une période de recul de 5 ans. Les patients étaient appariés jusqu’à un ratio de 1:6 par âge et par sexe à des témoins issus de la population générale.
L’incidence cumulée à 5 ans a été mesurée pour chacun des cancers. Le risque de cancer a été évalué à l’aide d’un modèle de Cox incluant les covariables suivantes : maladie pulmonaire chronique, diabète, hépatopathie, cancer solide prévalent (diagnostiqué avant le diagnostic de PTI). Les patients ayant un cancer prévalent étaient exclus pour les analyses (incidence cumulée et risque) de ce même cancer après le diagnostic de PTI. Une analyse de sensibilité a été réalisée à l’aide d’un modèle de Fine et Gray prenant en compte le risque compétitif de décès.
Entre 2011 et 2018, 7688 patients adultes atteints de PTI primaire incident ont été identifiés (âge médian de 62,1 ans, 54,9 % de femmes) et appariés à 29 309 témoins issus de la population générale. La prévalence des cancers solides au diagnostic de PTI était supérieure chez les patients atteints de PTI comparés aux témoins : 13,4 % (intervalle de confiance à 95 %–IC95 %–12,6–14,2) contre 8,8 % (IC95 % : 8,4–9,1), respectivement. Ceci était confirmé pour tous les types de cancer, notamment : cancers masculins à 6,2 % (IC95 % : 5,4–7,0) contre 4,7 % (IC95 % : 4,4–5,1), cancers féminins à 6,1 % (IC95 % : 5,4–6,9) contre 4,3 % (IC95 % : 4,0–4,6), cancer du bas appareil digestif à 2,0 % (IC95 % : 1,7–2,3) contre 1,5 (IC95 % : 1,4–1,7), respectivement, pour les plus fréquents.
L’incidence cumulée à 5 ans des cancers solides était supérieure chez les patients atteints de PTI : 8,4 % (IC95 7,6–9,2) contre 6,0 % (IC95 % : 5,6–6,4), respectivement. Le cause-specific hazard ratio (csHR) du modèle de Cox était de 1,34 (IC95 % : 1,18–1,52). Dans le détail, le risque était augmenté pour les cancers du système nerveux central (csHR : 2,98 ; IC95 % : 1,69–5,24), ORL (csHR : 1,60 ; IC95 % : 1,10–2,34), de la peau (csHR : 1,43 ; IC95 % : 1,13–1,83) et du bas appareil digestif (csHR : 1,33 ; IC95 % : 1,04–1,69).
L’incidence cumulée à 5 ans des hémopathies malignes était supérieure chez les patients atteints de PTI : 7,6 % (IC95 % : 6,9–8,3) contre 1,1 % (IC95 % : 0,9–1,2), respectivement. Le csHR était de 8,98 (IC95 % : 7,47–10,80), et>1 pour chaque type d’hémopathie : csHR de 9,73 (IC95 % : 6,53–14,49) pour les lymphomes ; 6,60 (IC95 % : 4,50–9,68) pour les leucémies ; 3,57 (IC95 % : 1,62–7,87) pour les myélomes. Les analyses de sensibilité prenant en compte le risque compétitif de décès étaient concordantes.
Le risque de cancer solide et d’hémopathie maligne sont supérieurs chez les patients atteints de PTI primaire (primaire au diagnostic de PTI) par rapport à la population générale en France, confirmant les données d’une étude réalisée selon la même méthode au Danemark.
Plus de 130 médicaments été suspectés d’induire une anémie hémolytique auto-immune (AHAI), listés en 2014 par Garratty et al. dans Immunohematology. Plusieurs mécanismes sont en cause. Certains ont ...été prouvés expérimentalement. Cependant, la plupart des médicaments sont suspectés à partir d’observations par l’exclusion des autres causes d’AHAI, le délai de survenue compatible avec un mécanisme immunologique et l’évolution à l’arrêt du médicament suspect. Cependant, les études comparatives évaluant le risque d’AHAI induite par des médicaments manquent. Les objectifs de cette étude étaient (1) de détecter de nouveaux signaux de médicaments potentiellement en cause dans Vigibase®, la base mondiale de pharmacovigilance, et (2) de mesurer les associations entre les médicaments (listés en 2014 ou détectés à la première étape de la présente étude) et la survenue d’AHAI dans une cohorte nationale française.
La première étape de cette étude était une étude de disproportionnalité de type cas/non-cas parmi les effets indésirables recueillis jusqu’en février 2020 dans Vigibase®. La fréquence d’exposition à chaque médicament a été comparée entre les cas d’AHAI et les autres effets indésirables permettant de calculer des reporting odds ratios (ROR) assortis de leurs intervalles de confiance à 95 % (IC95 %). Les médicaments avec un ROR>1 ont été définis comme des signaux.
La deuxième étape de cette étude a été conduite dans la cohorte AHEAD, qui correspond aux patients avec une AHAI incidente survenue entre 2012 et 2018 dans le système national des données de santé (SNDS). La date de survenue de l’AHAI était définie par la première hospitalisation ou affection de longue durée pour AHAI après une période d’observation de 2 ans. Les patients ont été identifiés à l’aide des codes D59.0 et D59.1 de la classification internationale des maladies, version 10. Les patients de moins de 15 ans ou avec une AHAI secondaire non médicamenteuse ont été exclus. Nous avons conduit une analyse autocontrôlée de type case-crossover (CCO), où chaque cas est son propre témoin pour éviter la confusion non dépendante du temps. L’exposition aux médicaments de la liste de 2014 et aux nouveaux signaux identifiés dans Vigibase® a été identifiée dans les dispensations en pharmacie de ville, recherchée dans les six semaines précédant la survenue d’AHAI (période cas) et comparée à une période témoin de six semaines trois mois plus tôt. Les patients hospitalisés durant les périodes cas et témoin ont été exclus. Des CCO bidirectionnels ont été réalisés pour mesurer d’éventuel biais protopathiques, en ajoutant une période témoin dans les six semaines après la survenue d’AHAI.
Durant la période d’étude, 3371 cas d’AHAI médicamenteuse ont été identifiés dans Vigibase®. Quatre-vingt nouveaux signaux ont été identifiés. Les classes les plus fréquentes étaient les antibiotiques, corticoïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens, vaccins, immunosuppresseurs, anticancéreux et médicaments cardiovasculaires. Au total, 160 associations de médicaments commercialisés en France durant la période d’étude ont été mesurées dans la cohorte AHEAD (n=4722 patients avec une AHAI primaire incidente). Une association a été identifiée avec des antibiotiques (associations les plus fortes : norfloxacine : OR : 2,64, IC95 % : 1,32–5,28 ; ceftriaxone : OR : 2,30, IC95 % : 1,36–1,89), l’ibuprofène (OR : 1,79, IC95 % : 1,33–2,42), le paracétamol (OR : 1,49, IC95 % : 1,33–1,67) et le furosémide (OR : 1,80, IC95 % : 1,37–2,37).
Cette étude a identifié de nouveaux signaux d’AHAI induite par les médicaments, et a confirmé le risque à l’échelon populationnel avec des antibiotiques, l’ibuprofène, le paracétamol et le furosémide.
La drépanocytose est la maladie monogénique la plus fréquente au monde. Elle affecte environ 500 nouvelles naissances par an en France. Elle se caractérise par la survenue de crises douloureuses ...vaso-occlusives (CVO), responsables d’une importante morbi-mortalité. Les corticoïdes pourraient favoriser la survenue de ces CVO mais aucune étude sur de grands effectifs n’a été conduite pour mesurer ce risque. Les corticoïdes sont largement prescrits chez les patients drépanocytaires et les recommandations ne sont pas toujours claires. L’objectif principal était de mesurer l’association entre la prise ambulatoire de corticoïdes systémiques et l’hospitalisation pour CVO chez les patients drépanocytaires en France. L’objectif secondaire était de mesurer cette association distinctement chez les adultes (≥15 ans) et chez les enfants (<15 ans).
Le schéma d’étude était un schéma auto-contrôlé de type case-case-time-control. La source de données était le SNDS (Système National des Données de Santé) qui chaîne au niveau national les données administratives, hospitalières et de consommation de soins de tous les patients affiliés à la sécurité sociale. La population d’étude était l’ensemble des patients drépanocytaires hospitalisés au moins une fois pour CVO entre 2010 et 2018. L’évènement d’intérêt était la première hospitalisation pour CVO, identifiée par un Code D57,0 de la Classification Internationale des Maladie–10ème version (CIM-10) en diagnostic principal d’un séjour hospitalier (VPP 98,6 %) 1. L’exposition était la délivrance ambulatoire de corticoïdes systémiques identifiée au sein des délivrances ambulatoires. L’exposition était recherchée dans les périodes cas (28jours avant l’évènement) et témoins (période de 28jours débutant 3 mois avant l’évènement). Les schémas autocontrôlés permettent un auto-ajustement sur les facteurs de confusion non dépendants du temps. Les facteurs de confusion dépendants du temps étaient pris en compte par ajustement (infections, transfusions) ou stratification (hydroxyurée). L’utilisation de futurs cas permettait de prendre en compte les variations calendaires d’exposition aux corticoïdes. Nous avons réalisé plusieurs analyses de sensibilité en faisant varier le schéma d’étude, la définition des périodes cas et témoin, ou en conduisant des analyses en sous-groupe.
La population d’étude était constituée de 14 611 patients, ayant présenté 103 204 hospitalisations pour CVO, 46 % étaient exposés aux corticoïdes. Dans l’analyse principale, 6,15 % étaient exposés durant la période cas. L’exposition aux corticoïdes était significativement associée à la survenue d’une hospitalisation pour CVO avec un Odds Ratio ajusté (ORa) à 3,81 Intervalle de Confiance à 95 % (IC95 %) : 2,44–5,61. Chez les patients exposés à l’hydroxyurée, l’ORa était à 2,61 IC95 % 1,07–6,39, contre un ORa à 4,00 IC95 % 2,53–6,30 chez les patients non exposés. L’ORa était à 2,81 IC95 % 1,49–5,30 chez les patients <15 ans, et à 4,45 IC95 % 2,37–8,37 chez les patients ≥15 ans. Les résultats étaient concordants dans toutes les analyses de sensibilité.
L’étude SISTER est la première étude populationnelle ayant mesuré l’association entre prise de corticoïdes systémiques en ambulatoire et hospitalisation pour CVO. Les principales forces de cette étude sont l’utilisation d’une source de données exhaustive comme le SNDS et l’utilisation d’un schéma d’étude auto-contrôlé en case-case-time control ayant permis de contrôler les facteurs de confusions non dépendants du temps et les variations de prescriptions de corticoïdes. Les principales limites de l’étude sont l’absence d’identification des différents types de drépanocytose majeure et des syndromes thoraciques aigus, et un manque de puissance pour étudier le risque des corticoïdes chez l’enfant exposé à l’hydroxyurée.
L’exposition ambulatoire aux corticoïdes oraux systémiques ou injectables était associée à la survenue d’hospitalisation pour CVO chez les patients drépanocytaires en France. Les prescriptions de corticoïdes devraient être limitées aux situations d’absence d’alternative thérapeutique.
Les deux mécanismes les plus fréquents d’hypofibrinogénémie acquise sont soit un défaut de synthèse dû à une défaillance hépatique, soit une augmentation de sa consommation (par exemple coagulation ...intravasculaire disséminée – CIVD – ou plus rarement fibrinolyse). Nous rapportons ici le cas d’une hypofibrinogénémie acquise satellite d’une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS).
Une patiente âgée de 89ans était prise en charge en cardiologie en raison d’un rétrécissement aortique serré, symptomatique. Ses antécédents étaient marqués par une fibrillation atriale emboligène, avec thrombose basilaire, pour laquelle elle était anticoagulée par rivaroxaban. Dans le cadre d’un bilan pré-TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation), une coronarographie était réalisée, révélant des sténoses sur les coronaires droite et gauche. Ce geste a eu pour complication un hématome au niveau du point de ponction radial, associé à un faux anévrisme nécessitant une suture artérielle. Le bilan d’hémostase montrait alors : TP 39 %, ratio TCA patient/témoin 1,49, activité antiXa à 0,83 UI/mL. Après avis spécialisé d’hémostase, un dosage du fibrinogène était rajouté : il était abaissé à 0,2g/L.
L’interrogatoire soulignait les éléments suivants : un syndrome hémorragique apparu 4 mois auparavant fait d’ecchymoses, d’épistaxis et de larges hématomes sous-cutanés pour des traumatismes minimes. Ceci était discordant avec deux accouchements par voie basse sans saignement anormal. Un dosage du TP était subnormal un an auparavant à 73 %. Seul un de ses trois enfants rapportait des epistaxis quand il était enfant, banales. L’examen clinique de la patiente montrait des hématomes récents sur les bras et la jambe droite. Sur le plan biologique, le bilan d’hémostase a été recontrôlée puis complété : TP toujours à 32 %, ratio TCA 1,74, fibrinogène 0,2g/L (N : 2 à 4g/L). Les facteurs V, II VIII et l’activité du facteur Von Willebrand étaient normaux à respectivement 74 %, 82 %, 110 % et 53 %. Il n’y avait pas d’élévation des D-dimères pouvant témoigner d’une CIVD. L’hypofibrinogénémie était confirmée par un dosage du fibrinogène antigène :<0,3g/L. Il n’y avait pas de déglobulisation ni d’anomalie de l’hémogramme.
Devant cette hypofibrinogénémie de révélation tardive, une pathologie dysimmunitaire ou hématologique a été recherchée. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien ne retrouvait pas de syndrome tumoral, le dosage des anticorps antinucléaires était négatif. L’électrophorèse des protéines sériques révélait un pic dans les gammaglobulines à 3g/L, de type IgG kappa à l’immunofixation, avec un déséquilibre des chaines légères sériques : ratio à 2,5 avec chaînes Kappa à 44mg/L, chaînes Lambda à 17mg/L. L’enquête a été poursuivie par un bilan d’hémostase comprenant TP, TCA et fibrinogène chez ses enfants, tous normaux. Un test de récupération avec du fibrinogène (injection de 2g de fibryga®) a montré une bonne récupération mais une demi-vie raccourcie en faveur d’un mécanisme acquis : T1/2 à 24heures contre 72 à 96heures en situation normale. Enfin, afin de rechercher une action inhibitrice du composant monoclonal, une épreuve croisée avec du plasma témoin a été réalisée : nous n’avons pas observé d’hypofibrinogénémie dans le plasma témoin après adjonction du plasma de la patiente. Par analogie avec le traitement des maladies de Willebrand acquises satellites de gammapathie monoclonale non IgM, un test aux immunoglobuline smonoclonales (2g/kg) a été réalisé, sans efficacité.
La complication hémorragique initiale sur le point de ponction radial n’a pas nécessité de recours à du fibrinogène IV. Par la suite, après évaluation multidisciplinaire avec nos collègues cardiologues et gériatres, la TAVI n’a pas été réalisée et l’anticoagulation curative par rivaroxaban a été remplacée par une anti-agrégation simple par clopidogrel. La patiente n’a pas présenté de nouvel évènement hémorragique sévère avec deux ans de recul.
Les cas d’hypofibrinogénémie acquise non liés à une insuffisance hépatocellulaire ou à une CIVD/fibrinolyse sont exceptionnels. Des cas secondaires à une leucémie aiguë 1, un myélome 2 ou une MGUS IgA 3 ont été rapportés dans la littérature. Dans les deux derniers cas, la preuve de l’action inhibitrice sur le fibrinogène a été faite par la normalisation du bilan d’hémostase sous chimiothérapie dans le cas du myélome ou après adjonction d’un anticorps anti-IgA au sérum dans le cas d’une MGUS IgA. Bien que cette démonstration n’a pu être faite dans le cas que nous rapportons, l’absence d’antécédent hémorragique personnel et familial, ainsi que l’altération de la demi-vie du fibrinogène injecté ont plaidé en faveur d’un mécanisme acquis.
Le Stiff-person syndrome (SPS) est une maladie auto-immune rare caractérisée par des épisodes de spasmes musculaires douloureux et une rigidité progressive, principalement axiale. Le SPS s’associe le ...plus souvent à des auto-anticorps anti-glutamic acid decarboxylase (GAD), qui est l’enzyme de synthèse du neurotransmetteur GABA. Ces auto-anticorps peuvent également s’associer à une encéphalite auto-immune, une ataxie cérébelleuse ou un diabète auto-immun. Dans le SPS, les crises de spasmes peuvent se compliquer d’une détresse respiratoire et s’associer à des manifestations d’hyperactivité sympathique potentiellement graves. Nous présentons ici le cas d’une patiente de 42 ans présentant une décompensation aiguë de SPS à l’occasion d’une grippe, compliquée d’une cardiomyopathie de stress (Tako-tsubo) et d’un arrêt cardiorespiratoire récupéré.
Une femme de 42 ans était admise aux urgences pour des spasmes musculaires abdominaux et cruraux continus d’apparition brutale. Ses antécédents étaient une maladie de Basedow ayant motivé une thyroïdectomie et des lombalgies chroniques persistantes depuis cinq ans, associées à une hyperlordose lombaire. Elle avait réalisé quelques mois auparavant une IRM du rachis lombaire qui montrait un oedème non spécifique des muscles paravertébraux.
L’examen clinique montrait, en plus des spasmes, des signes d’hyperactivité sympathique (tachycardie, hypertension artérielle et hypersudation profuse), une fièvre à 38,5°C et des réflexes ostéotendineux vifs et polycinétiques aux membres inférieurs. La patiente était vigile et orientée, sans signe neurologique déficitaire focal ni syndrome cérébelleux. Les investigations biologiques ont révélé une infection à virus influenza A et une élévation des CK à 5400UI/L. Les scanner cérébral, IRM médullaire et EEG étaient normaux. La ponction lombaire montrait une protéinorachie à 0,28g/L, ainsi que 5,8 éléments nucléés par mm3. Le diazepam intraveineux permettait une amélioration clinique spectaculaire.
L’évolution s’est compliquée au bout de 48heures d’une détresse respiratoire aiguë hypocapnique avec œdème pulmonaire aigu, nécessitant une intubation orotrachéale pour ventilation mécanique. Au moment de l’induction anesthésique, la patiente présentait un arrêt cardiorespiratoire résolutif après 15 minutes de réanimation. La FEVG à l’admission en réanimation était estimée à 10 %. La patiente était rapidement extubée. L’IRM cardiaque réalisée au 10e jour montrait une hypokinésie globale (FEVG 40 %) à prédominance inférieure et latérale, non systématisée à un territoire vasculaire et un œdème important de la paroi ventriculaire gauche, très en faveur d’une cardiomyopathie de stress (Tako-tsubo).
Les crises de spasmes ont récidivé à la levée des sédations, et ont été à nouveau calmées spectaculairement par le diazepam intraveineux (5 à 10mg). Finalement, les auto-anticorps anti-GAD étaient>2000UI/L dans le sang et le LCR, permettant de confirmer le diagnostic de Stiff-person syndrome. Un traitement immunomodulateur par immunoglobulines polyvalentes à 2g/kg a été instauré.
La physiopathologie du SPS impliquerait une diminution du GABA cérébral secondaire à l’inhibition de la GAD par les auto-anticorps. L’absence d’inhibition GABA-ergique dans le noyau intermédiolatéral expliquerait l’hyperactivité sympathique. L’activité GABA-agoniste des benzodiazépines explique leur efficacité spectaculaire 1. La présentation clinique habituelle est caractérisée par une rigidité du tronc (par co-contraction des muscles abdominaux et lombaire menant à un aspect d’hyperlordose lombaire) ainsi que des racines des membres et par des spasmes musculaires volontiers déclenchés par un stimulus auditif ou tactile soudain, un stimulus émotionnel ou une contraction volontaire. Des symptômes psychiatriques coexistent fréquemment tels que des phobies spécifiques à une tâche, une dépression ou un trouble anxieux généralisé. Des troubles psychologiques majeurs peuvent dominer le tableau clinique et conduire au diagnostic erroné de mouvements anormaux psychogènes.
Ici, la grippe a probablement agi comme un facteur déclenchant d’une poussée de SPS. Le syndrome de Tako-tsubo a été attribué à l’hyperactivité sympathique du SPS.
Le SPS est une affection potentiellement fatale. Quelques cas de SPS compliqués d’une insuffisance circulatoire et respiratoire aiguë avec hyperactivité sympathique ont été rapportés. Une seule observation a rapporté l’association Stiff-person syndrome et Tako-tsubo.
La dermatomyosite à anticorps anti-MDA5 est une dermatomyosite volontiers amyopathique mais redoutée pour son atteinte pulmonaire potentiellement très sévère. Certains patients n’ont toutefois pas ...d’atteinte pulmonaire grave, mais des manifestations cutanées difficiles à traiter. Les inhibiteurs de JAK sont un traitement émergent de cette maladie.
Nous rapportons l’observation d’une patiente dont les manifestations cutanées, esthétiquement très préjudiciables, ont eu une évolution rapidement favorable sous baricitinib.
Une patiente âgée de 17 ans présente en décembre 2022, dans les suites d’une infection COVID un amaigrissement rapide de 6kg, une aphtose buccale, un érythème des paupières, des papules de Gottron puis ultérieurement une alopécie diffuse. On notait aussi une fébricule à 38,1°, des arthrites des interphalangiennes proximales, métacarpophalangiennes et genoux. Un déficit moteur proximal prédominant aux membres supérieurs et inférieurs, côté 3/5 apparaissait rapidement. Il n’y avait pas d’atteinte respiratoire. Biologiquement, on retrouvait un taux de créatine-kinase à 1,5N, ainsi qu’une leucopénie à 0,8G/L et une thrombopénie à 139G/L. Les anticorps antinucléaires étaient positifs à un titre de 1/3120 et les anticorps anti-MDA5 revenaient positifs. L’IRM musculaire n’a pas été réalisée. La biopsie quadricipitale ne retrouvait pas de lésions significatives.
Le traitement initial consistait en une corticothérapie orale à la dose de 1mg/kg/j associé à du méthotrexate à la dose de 0,3mg/kg par semaine. L’atteinte musculaire se normalisait rapidement et la corticothérapie était stoppée durant l’été 2023.
La patiente était adressée à la consultation en septembre 2023 devant une rechute articulaire invalidante et des lésions cutanées : érythème liliacé sur la paupière gauche, signe de Gottron, et d’autres lésions non spécifiques du visage. La corticothérapie était reprise à la dose de 7,5mg par jour, le méthotrexate était arrêté en raison d’une toxicité hépatique, et un traitement par kétoconazole était débuté.
Un mois plus tard, les lésions du visage étaient aggravées, et un traitement par baricitinib était alors débuté après avis dermatologique à la dose de 4mg par jour permettant en deux mois une régression d’environ 80 % des lésions cutanées et de la gêne articulaire.
Plusieurs études ont mis en évidence une surexpression des gènes régulés par les interférons de type 1 ainsi que l’augmentation du taux sérique de l’INFα dans les dermatomyosites. Les inhibiteurs de JAK permettent un blocage de la voie de signalisation des interférons de types 1 et 2.
Ce mécanisme pourrait expliquer l’effet notable de cette classe médicamenteuse sur les manifestations clinicobiologiques des dermatomyosites. Plusieurs études récentes rapportent des taux de réponse cutanée, articulaire, musculaire et/ou pulmonaire élevés sous inhibiteur de JAK. La possibilité de biais de publication doit toutefois être considérée.
Les inhibiteurs de JAK paraissent très prometteurs chez les patients atteints de dermatomyosite. Des études prospectives sont nécessaires afin de bien préciser leur place dans la prise en charge des dermatomyosites.