Notre étude monocentrique et rétrospective porte sur le parcours de soins suite à l’entretien prénatal précoce (EPP) de 411 femmes enceintes recrutées pour l’étude sur une année. Environ 21 % ont ...bénéficié d’une orientation psychiatrique après l’EPP. Cette orientation était associée aux antécédents obstétricaux ou psychiatriques, au suivi psychiatrique, au tabagisme, à la prise de toxiques, à l’expression d’une plainte. Elle était associée pour la mère à une durée de séjour plus longue en maternité et un suivi plus fréquent par la PMI au retour à domicile et pour le bébé à une hospitalisation plus fréquente à la naissance. L’EPP constitue un outil de prévention des fragilités psychiques de la grossesse à condition qu’il soit étroitement relié à un travail de coordination des orientations dans les divers champs de l’anténatal et du postnatal.
Sur le CHU de Montpellier lors du suivi pédopsychiatrique anténatal, une consultation ciblée sur les étapes sensibles du développement précoce est en place depuis dix ans pour les situations de ...vulnérabilité majeure. Elle est dénommée consultation « posturage », car elle insiste sur le mouvement actif de regrouper le bébé en posture fœtale pour faciliter son adaptation à la vie extra-utérine en mettant l’accent sur le développement sensorimoteur. Elle est proposée aux futurs parents entre sept et huit mois de grossesse, avec un taux d’acceptation important. Effets de la pesanteur, notion de plasticité cérébrale potentiellement réparatrice de vulnérabilités initiales, programmation biologique émotionnelle chez l’adulte pour répondre à la situation de totale dépendance du bébé sont abordés ainsi que les consignes de couchage et modalités d’alimentation. Il se trouve que le constat des bénéfices sur la mise en place des relations parent–enfants–professionnels a provoqué une forte demande. Les couples sont étonnés de visualiser la simplicité avec laquelle ils pourront assurer une continuité pour le bébé : bain enveloppé, changes sur le côté, regroupement en position fœtale. L’état de réceptivité est tel qu’il provoque un débat animé sur l’enfant aîné : surpris par cette anticipation à laquelle ils ne s’attendaient pas. Les parents prennent conscience d’avoirméconnu les difficultés d’adaptation de ce dernier et se questionnent sur leur genèse ainsi que leur évolution. À leur état d’épuisement associé à un douloureux sentiment d’échec, ils perçoivent une issue en acceptant une orientation pour l’aîné et en s’organisant pour optimiser l’environnement de la naissance à venir. Ainsi, partir des aspects environnementaux sensoriels semble s’avérer plus efficace sur l’alliance thérapeutique que de rechercher les éventuelles difficultés parentales pour y remédier. L’analyse pluridisciplinaire du suivi de 20 situations familiales a mis en exergue de nouvelles problématiques : proposer un bilan psychomoteur rapide sans affoler, tenir compte de l’avis des autres professionnels pour éviter d’exposer le couple à des avis divergents, rester dans l’anticipation de la future naissance, alors que l’attention des parents se focalise sur l’enfant précédent.
La dépression du post-partum maternelle, paternelle, et les troubles du neurodéveloppement de l’enfant sont aujourd’hui considérés comme un enjeu prioritaire de santé publique. Dès les premières ...semaines en postnatal, l’entretien postnatal précoce (EPNP) permet d’aborder le vécu de la grossesse, de l’accouchement et du retour à domicile pour les deux parents. Une place à part entière est dorénavant faite au père (coparent) : cette ouverture est bénéfique pour le système familial en construction dans une alliance précoce et durable avec les professionnels, permettant l’adhésion des parents aux aides spécifiques proposées au temps de la plasticité cérébrale du bébé.
L’apport le plus innovant et le plus audacieux de l’EPNP constitue l’intérêt porté au développement de l’enfant entre 4 et 14 semaines. Le professionnel formé au développement du nourrisson pourra ...observer l’adaptation de l’enfant à sa nouvelle niche écologique et en particulier la gestion de la sensation de pesanteur, sa motricité, les premiers schémas moteurs et les premières coordinations. Il s’agit de repérer, le plus tôt possible, les anomalies neuromotrices transitoires, signes avant-coureurs des troubles du neurodéveloppement, afin de proposer des ajustements physiques et humains appropriés.
Le diagnostic anténatal par le contexte de prévision qu’il crée, tant du côté du bébé que de son environnement, est une situation expérimentale de résurgences émotionnelles en chaîne. C’est ...l’occasion d’analyser comment se réactivent des zones de mémoire pour faire face à l’anticipation des futures étapes de la grossesse, de la naissance et des premières années de vie de l’enfant. L’interdisciplinarité au sein du champ de l’obstétrique avait permis aux pédopsychiatres d’être attentifs à l’émergence de désordres émotionnels délétères dans la mise en place des relations parents– enfant : dysharmonie interactive, dépression du postpartum et troubles ultérieurs du développement. Les équipes découvrent leurs capacités à affiner le repérage des décalages émotionnels et le décodage des états de détresse parentale. Les dates anniversaires, qui scandent la vie psychique, avaient alerté depuis longtemps les psychothérapeutes qui en interprétaient les impacts dans l’après-coup. Le tournant que nous offre la démarche active d’anticipation du diagnostic anténatal est de permettre d’aménager le contexte de survenue d’une réactivation émotionnelle au moment où elle apparait, mobilisant ainsi le risque de répétition traumatique. Par une anamnèse fine, anticiper les dates à risque devient un enjeu de santé publique majeur concernant chaque professionnel impliqué dans le suivi obstétrical, à condition qu’il ne reste pas seul face à une situation familiale complexe. Les possibilités d’intervention du pédopsychiatre/psychologue en première et/ou en deuxième ligne permettent à l’ensemble des protagonistes du soin d’enrichir les axes de prévention dans une synergie d’action sans cesse en questionnement.
Les acteurs de santé en période périnatale sont désormais confrontés à la nécessité d’intégrer les multiples registres en jeu dans le développement de l’enfant à venir en fonction des connaissances ...récentes sur la plasticité cérébrale. Le cerveau présente une réceptivité maximale à des compétences spécifiques au cours des « périodes sensibles » des deux premières années de vie : passée cette période, il devient difficile, voire impossible, pour la structure cérébrale considérée, de reprendre un développement normal. Un manque ou un dysfonctionnement dans l’ajustement environnemental sur cette période est fort préjudiciable. Les objectifs de l’étude sont d’optimiser les conditions d’accueil du nouveau-né et de croiser les regards sur le développement précoce dans l’espoir de réduire les troubles ultérieurs de l’enfant. La collaboration croissante et rigoureuse avec l’ensemble des équipes concernées, et particulièrement des pédiatres depuis une dizaine d’années, a permis de développer des stratégies innovantes visant à améliorer la continuité sensorielle et émotionnelle des parents et de l’enfant, de la vie foetale aux toutes premières étapes de son développement. La méthode expérimentale de « posturage » du nouveau-né a été conçue dans ce climat de collaboration étroite : simple et reproductible, s’appuyant sur le bon sens, elle permet au bébé de ressentir un sentiment de continuité dans le temps de la naissance et d’exprimer de nombreuses compétences interrelationnelles. Dans les situations de vulnérabilité psychique maternelle majeure, les pères se sont mobilisés en grand nombre pour venir dès la consultation pédopsychiatrique anténatale échanger sur cette thématique. Ils ont fait l’effort d’être présents en post-partum et dans le suivi pluridisciplinaire des trois premiers mois, ce qui laisse présager de l’efficacité de cette démarche. Une telle perspective ouvre de sérieux espoirs sur une recherche permettant de valider ces pistes de réflexion au regard de l’avancée fulgurante des neurosciences. Poursuivre l’effort de repérage par la diffusion de l’entretien prénatal précoce et prendre soin des nouveau-nés à terme avec la même rigueur que dans les soins de développement pour les grands prématurés sont autant de défis à relever ensemble avec des parents devenus coacteurs du développement de leur enfant.
Les connaissances actuelles en pédopsychiatrie intègrent les conditions tant somatiques (suivi de la grossesse, conditions de la naissance, facteurs génétiques) qu’émotionnelles (séparation précoce, ...psychopathologie parentale, dépression du post-partum) dans l’analyse de la trajectoire développementale de l’enfant. Lors des consultations préconceptionnelles ou de suivi de grossesse, les professionnels disposent dorénavant d’outils pour intégrer la dimension émotionnelle dans leur propre champ d’action. La cohabitation harmonieuse des protocoles régissant les transferts in utero aux côtés des référentiels d’orientation vers la consultation « psy » depuis le dernier Plan périnatalité* ouvre sur la description d’une nouvelle sémiologie du risque environnemental sur le foetus et le bébé. L’objectif est que les parents, aidés par les professionnels, anticipent l’environnement futur de leur enfant au fil des échanges et des informations délivrées et non l’inverse. Détailler le cadre de la première consultation pédopsychiatrique a paru évident dans ce dossier sur la continuité, tant cette orientation peut exposer les femmes les plus vulnérables à un risque de discordance choquante. En s’appuyant sur deux situations, les conditions de la première rencontre ainsi que son contenu seront minutieusement analysés. Le canevas rigoureux de cet entretien, dont le sens est expliqué à chaque question aux femmes et/ou couples, leur permet d’exprimer des vécus qui faciliteront les liens entre eux, avec leur bébé et avec les professionnels. Dans une continuité d’élaboration collective, par le biais d’une métaphore empruntée au diagnostic anténatal, nous décrirons les trois phases du « diagnostic environnemental prénatal ». Le fait d’anticiper les conditions d’accueil du nouveau-né et du développement de l’enfant efface chez les parents les résistances qui trop souvent induisent une discontinuité et un manque de précocité dans le suivi.
Différents facteurs sont susceptibles de fragiliser la continuité et la cohérence des prises en charge d’un nouveau-né malade. Certains tiennent à la variabilité, c’està- dire à la différence dans la ...politique de soins ou des conditions d’annonce d’un établissement à un autre et d’un professionnel à un autre. Habituellement présentée comme un défaut de compétence par les études de benchmarking, cherchant même à être corrigée par l’établissement de recommandations établies par les sociétés savantes, cette variabilité relève sans doute en partie d’autres origines appartenant à « l’appétence » des équipes pour tel ou tel type de pratique médicale ou de communication. Cet article souhaite aider les professionnels de toutes disciplines à prendre conscience de leur positionnement dans la manière de délivrer des soins et de communiquer avec les familles. Il s’agit de cheminer ensemble afin de comprendre pourquoi il est si difficile d’appliquer les recommandations médicales tout en prenant en compte la subjectivité de chaque situation. Limiter l’impact de ce qui peut être ressenti comme un défaut de cohérence médicale aux yeux des parents semble être un but à ne pas lâcher. Les situations de réanimation au seuil de la viabilité nous ont fait faire des progrès considérables dans le mouvement d’anticipation réalisé avec les parents en anténatal pour qu’ils puissent accepter et accompagner le séjour en réanimation de leur enfant et le suivi ultérieur dans une continuité suffisante pour ne pas favoriser de troubles de l’attachement. Il nous appartient maintenant de réfléchir à cette continuité dans des situations moins critiques mais quotidiennes.
Résumé
Les situations de grossesse accompagnée de troubles psychiques maternels s’intègrent désormais dans l’organisation des soins périnatals. Grâce à la création d’un dispositif innovant de ...collaboration médicopsychologique, les troubles perçus par les praticiens de l’obstétrique sont décrits en dehors d’un diagnostic psychiatrique a priori. L’identification du problème et sa prise en charge ont fait l’objet de confrontations pluridisciplinaires sur un bassin de naissance, puis au niveau national afin d’intégrer les différences de contexte. La méthode utilisée pour stabiliser les pratiques interdisciplinaires fait appel à l’analyse prospective de cas complexes de la grossesse au retour à domicile. Les différents cas de figure tels qu’ils se présentent aux praticiens concernés font l’objet d’un suivi spécifique selon les modalités de découverte, la nature des troubles, les stratégies de réseau stabilisées. Les conclusions sont proposées dans les référentiels du Réseau périnatal régional Languedoc- Roussillon et font l’objet d’un précis de bonnes pratiques à visée plus large.