Concilier économie et écologie, réconcilier le professionnel de la terre et la nature, par l'entomologie. Ou encore, dans l'itinéraire de Mario Baggiolini, produire mieux, donc apprendre à composer. ...C'est ainsi que ce Tessinois, né en 1914 à Chiasso, deviendra un précurseur de la production intégrée. Portrait d'un homme qui aime la terre, ses fruits, la pluridisciplinarité, l'harmonie, qui sait quitter l'insectarium pour le verger où la nature profonde manifeste son existence. 00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Mario Baggiolini, entomologiste, et tourné à Nyon le 23 décembre 1991. L'interlocuteur est Philippe Golay. 00:00:11 – 00:00:56 (Séquence 1) : Pour connaître un individu, Mario Baggiolini estime que le temps d’une vie suffit mais pour connaître un insecte faisant partie de l’univers, le temps d’une vie ne suffit pas. Il y a tant de choses à découvrir qu’il n’est pas possible pour un scientifique de découvrir quelque chose d’une manière définitive sur le temps d’une vie. 00:00:56 – 00:02:56 (Séquence 2) : On demande à Mario Baggiolini comment va la planète. Selon lui, elle ne va pas très bien. Il évoque entre autres la destruction des forêts et les trous dans la couche d’ozone. Ce qui le préoccupe davantage est la corrélation négative entre le progrès, l’avancement de la science et ce que l’homme fait de ces découvertes et de la richesse qu’il a entre les mains. Mario Baggiolini estime que l’homme utilise très mal les richesses que la terre lui offre. Il croit qu’une meilleure vulgarisation scientifique pourrait permettre à tout un chacun de mieux participer à la gestion des ressources naturelles car le devenir de l’homme est lié à sa connaissance et à son ouverture. Dans sa pratique professionnelle et avec son équipe de Changins, il a vraiment essayé de sensibiliser les gens et de leur communiquer un message qui reste d’actualité. Il est optimiste car le progrès des connaissances avance. 00:02:57 – 00:03:42 (Séquence 3) : Mario Baggiolini se sent appartenir profondément à cette terre car il vient d’une famille de paysans des collines du lac Majeur, près de Chiasso au Tessin. Il est devenu ensuite technicien agricole car il cherchait dans cette nature quelque chose qui le passionnait. Il a donc travaillé la terre, puis a travaillé avec les cultivateurs, toujours en contact avec cet univers terrien dans lequel il se sent inséré. 00:03:43 – 00:05:49 (Séquence 4) : Mario Baggiolini est né le 4 décembre 1914 à Chiasso, dans l’extrême Sud de la Suisse, où il a ensuite vécu jusqu’à l’âge de six ans. Il a peu de souvenirs de son enfance, il se souvient d’une maisonnette qui lui semblait immense et qui, lorsqu’il l’a retrouvée adulte, lui a semblé minuscule. Il a perdu son père à l’âge de quatre ans, c’était en 1919 à la fin de la première guerre mondiale. Sa mère, d’origine italienne, est restée quelques années au Tessin puis est finalement retournée avec ses enfants en Italie. Mario avait alors six ou sept ans. La famille de sa mère avait un petit domaine sur les collines du Lac Majeur près de Luino, le terrain était sec mais il permettait de nourrir toute la famille. Ce nouvel environnement a saisi Mario avec ses prairies sèches et ses forêts de châtaigniers et a suscité en lui la vocation de travailler en lien avec la terre. Mario Baggiolini s’est donc inscrit aux cours d’un institut d’agriculture qui se trouvait près de Brescia. 00:05:51 – 00:06:18 (Séquence 5) : Mario Baggiolini a découvert dans les collines de son enfance beaucoup de parfums, de couleurs et de bestioles de toutes sortes. Il se souvient bien des parfums de la cuisine aussi et c’est un souvenir agréable. On ne mangeait pas de la viande tous les jours à cette époque. Mario Baggiolini évoque un souvenir qui reste encore vivant, celui du bouilli, du bouillon et du risotto fait avec ce bouillon. Le risotto est resté le plat préféré de Mario. 00:06:20 – 00:07:23 (Séquence 6) : Mario Baggiolini entre en 1929 à l’institut technique d’agriculture de Brescia. C’est aussi la découverte du monde au delà de la maison familiale. Mario Baggiolini compare le domaine familial rudimentaire, presque montagnard, et très pauvre dont il venait à la campagne opulente des environs de Brescia. Mario estime que la préparation à la vie agricole n’était pas tout à fait adaptée à la terre dont il venait. En effet, lorsqu’il est retourné au domaine familial, il avait beaucoup de notions théoriques et une grande admiration pour ce qu’on pouvait faire dans l’agriculture, mais il n’était pas possible de les appliquer sur son petit domaine sans eau. 00:07:25 – 00:08:09 (Séquence 7) : En 1932, Mario Baggiolini part à Luino se spécialiser en arboriculture. Pour compléter les revenus et survivre, Mario faisait sur son domaine un peu d’arboriculture et soignait aussi des vergers sur les domaines environnants. Durant ces années de crise, il lui fallait augmenter ses revenus car il souhaitait fonder une famille. Il a donc trouvé un travail de dessinateur industriel dans une maison d’installations frigorifiques. 00:08:12 – 00:09:43 (Séquence 8) : Mario Baggiolini compare les variétés de pommes qu’il cultivait étant jeune, comme la reinette du Canada et des vieilles variétés locales, à celles cultivées aujourd’hui. Le goût des pommes a évolué. Le goût de la pomme acide de sa jeunesse n’est plus le goût du jour, il préfère une pomme qui a de la douceur, un peu d’acidité, mais surtout du goût. Mario Baggiolini montre une pomme golden, pomme reine du bassin lémanique, qui est pour lui une très bonne pomme. Mario évoque la pomme comme point de départ de l’univers et le jardin d’Eden, épisode religieux qui permet selon lui une ouverture sur la notion d’évolution. 00:09:47 – 00:11:00 (Séquence 9) : Les années 1930 ont été pour Mario Baggiolini des années de grande incertitude en lien avec la crise économique, les difficultés financières mais aussi la montée du fascisme qui ne correspondait pas à ses valeurs familiales et personnelles. Comme sa famille était suisse et engagée dans l’action catholique, on se méfiait d’eux et on les surveillait. Mario se souvient qu’une nuit leur maison a été encerclée et qu’il s’est réveillé avec un revolver sous le nez parce qu’une rumeur circulait qui voulait qu’une bombe se fabrique dans la maison. Mario explique que son frère, qui était technicien, travaillait avec différents appareils mais ne fabriquait pas de bombes. C’est un souvenir pénible de cette époque qui est contrebalancé par d’autres plus heureux comme ses fiançailles en 1935 et son mariage en 1939. 00:11:04 – 00:13:27 (Séquence 10) : Mario Baggiolini n’avait pas fait son école de recrue, il n’a donc pas été inquiété au moment de l’éclatement de la deuxième guerre mondiale en 1939, année au cours de laquelle il s’est marié. Il a pu rester dans son domaine avec sa famille mais dans un climat tendu d’années de guerre en Italie. Mario Baggiolini raconte un épisode presque tragique. Il explique que leur maison, à cause de sa situation géographique proche de la frontière avec la Suisse, était devenue progressivement un repère de prisonniers alliés qui fuyaient et de juifs, que Mario et sa famille aidaient avec enthousiasme mais pas assez de prudence. Les forces fascistes ont lancé un coup de filet dans la région et Mario était sur la liste des recherchés. Une voisine le lui a appris au dernier moment et il n’a eu d’autre choix que de s’enfuir en Suisse, laissant derrière lui sa mère, sa femme et ses deux jeunes enfants. Mario Baggiolini est donc rentré dans sa patrie, la Suisse, en 1943 en suivant le chemin des contrebandiers. Mario raconte sa fuite : une fois alerté il a dit au revoir à sa famille, est parti à bicyclette à Luino, puis est monté chez un vieil ami curé qu’il savait être dans le coup pour ce type d’opération de sauvetage. Ce curé a appelé une femme qui a conduit Mario à une centaine de mètres de la frontière suisse. Mario a ensuite fait le dernier tronçon au pas de course et en se méfiant des éventuels gardes pour se retrouver en Suisse devant le fusil d’un soldat suisse à qui il a présenté son passeport suisse. 00:13:32 – 00:14:34 (Séquence 11) : Arrivé en 1943 au Tessin, à Bellizone, Mario Baggiolini a été très bien accueilli par ses oncles. Il a dû par contre payer le prix de son sauvetage à sa patrie car il a été appelé et a fait de nombreux mois de service militaire où il était chargé de surveiller l’espace aérien. Après cela, il a fait quelques dessins pour des cours du service cantonal de l’arboriculture. Ses dessins ont été appréciés et lui ont ouvert les portes du service qui l’a engagé au moment où un nouveau ravageur faisait son entrée en Suisse et nécessitait des mesures obligatoires de contrôle et de lutte. 00:14:39 – 00:15:30 (Séquence 12) : Mario Baggiolini parle d’un événement de l’histoire récente de la nature en Europe, l’arrivée du pou de San José. Cet événement est aussi celui qui lui a permis de s’intéresser à l’entomologie, au beau monde des insectes. Mario travaillait au service de l’arboriculture du Tessin, mais son travail était supervisé par le Service de l’entomologie à Lausanne qui avait la responsabilité des recherches sur cet insecte au niveau national. Mario explique que c’est de cette façon qu’il a été repéré par les entomologistes de la station de Lausanne et que quelques années plus tard il est parti travailler à Lausanne. 00:15:36 – 00:16:52 (Séquence 13) : Mario Baggiolini parle de l’utilisation généralisée du DDT. L’apparition de ce produit dans les années 1940 représentait un véritable espoir, de même que les hexa et les premiers produits phosphoriques. On pensait avoir les moyens de faire face à tous les problèmes. Mario Baggiolini se souvient qu’en 1944, alors qu’il travaillait au service de l’arboriculture, il avait été un véritable apôtre du DDT dans une exposition à Bellinzone. Ce rêve de progrès a tout de même engendré les grandes plantations de pêchers dans les plaines de Magadino et les gran
Fils du docteur Oscar Forel, petit-fils d'Auguste, psychiatres tous les deux, il se distinguera en tant que médecin généraliste et par une carrière politique aussi longue que différenciée. Dans les ...années trente, constatant que les communistes sont les adversaires les plus résolus du fascisme hitlérien, c'est tout naturellement qu'il entre dans leurs rangs. Il s'engage activement dans la vie politique locale, tout en étant médecin à Nyon. Il rend un vibrant hommage à sa femme grâce à laquelle il a pu poursuivre pendant plus de cinquante ans une intense activité politique tout en pratiquant une médecine au service des plus démunis et des toxicomanes. 00:00:00 – 00:00:25 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-fixes consacré à Armand Forel, médecin et homme politique, et tourné à Nyon le 18 juillet 1991. L'interlocuteur est Jean-Bernard Desfayes. 00:00:25 – 00:01:15 (Séquence 1) : Armand Forel explique qu'il est né à Berne, dans l'asile psychiatrique de la Waldau où travaillait son père. Ce dernier, fils du psychiatre Auguste Forel, est aussi né dans un asile d'aliénés, mais à Zurich au Burghölzli où son père était directeur. Les mauvaises langues de Nyon disent que ça se remarque. 00:01:15 – 00:03:03 (Séquence 2) : Armand Forel parle de son enfance. Elle a été heureuse, et très spéciale. Ses deux parents étaient très occupés, à Berne d'abord, dont il n'a plus de souvenirs car ils ont déménagé quand il avait trois ou quatre ans. Ils ont ensuite habité dans le sud de la France, à Antibes, où son père finissait sa thèse "La psychologie des névroses" en même temps qu'il soignait une malade. Son père avait postulé, sans succès, à l'hôpital psychiatrique de Genève. En 1925, il a été par contre nommé directeur à la Métairie de Nyon, clinique psychiatrique privée. Son père travaillait beaucoup, ainsi que sa mère qui l'aidait. Au bout de deux ans, son père a quitté la Métairie pour construire une nouvelle clinique plus proche de son idéal. 00:03:04 – 00:04:45 (Séquence 3) : Armand Forel parle de son grand-père Auguste Forel. Passionné toute sa vie par les fourmis, il était un homme d'une grande volonté et puissance de travail. Son profond athéisme est souvent ignoré par le public. A 16 ans, il a refusé de communier, ce qui pour la région de Morges relevait du scandale. Il raconte le parcours de son grand-père. A Munich où il a travaillé longtemps, il a rencontré sa femme, Emma Forel qui pour Armand Forel a remplacé sa mère, lorsqu'il a dû se séparer d'elle. 00:04:47 – 00:06:15 (Séquence 4) : Armand Forel parle de son grand-père. Auguste Forel était un grand neurologue et il était en contact avec les grands neurologues et scientifiques de l'époque: Golgi, Von Guden, Freud et surtout Darwin, avec lequel il a échangé une importante correspondance, ainsi que des insectes. Il était un militant athée et socialiste. Il était antichrétien et antireligieux, ce que son père et lui n'ont jamais été. Son athéisme était compensé par un grand humanisme. On ne lui a donc jamais reproché son athéisme. Il était président d'honneur du parti socialiste suisse, ami de Lounatcharski et grand ami de Romain Rolland qu'il fréquentait souvent. 00:06:18 – 00:07:50 (Séquence 5) : Armand Forel avait deux sœurs, l'une est devenue médecin à Helsinki, elle a épousé un Finlandais, et l'autre est morte à 60 ans environ d'une leucémie. Il n’avait que 18 mois de différence avec sa sœur cadette avec qui il s’entendait très bien. Passé ses 30 ans, un événement extraordinaire s'est produit dans sa vie. Son père le convoque et lui apprend l'existence d'une autre sœur, Sylvia, qui avait alors 18 ans et que son père connaissait seulement depuis quelques jours. Elle était juive et avait habité longtemps en Israël. Ensemble, les frères et sœurs se sont toujours très bien entendus. 00:07:53 – 00:10:09 (Séquence 6) : Armand Forel parle de son éducation. Il a eu plusieurs précepteurs quand il était enfant. Il a étudié deux ans au collège de Nyon. Forcé à doubler à cause de sa conduite, il quitte le collège pour l'institut Juillerat à Céligny. Il y rencontre le Shah de Perse et son frère. Le Shah fréquentait l'école du Rosey qui était fermée en été. Armand Forel entre ensuite au collège Calvin à Genève, où il n'est resté que six mois. Son père, qui avait été élève de l'Ecole Nouvelle de Glarisegg, l'envoie dans le même institut à Steckborn. Une école qu'il a fort mal supportée. Il rejoint alors sa sœur à Zurich, dans un institut privé. Il conclut un pacte avec son père et prépare une maturité fédérale. Il étudie intensément pendant deux ans, surtout l'allemand et les mathématiques, et il obtient sa maturité. Il n'avait pas encore 18 ans. 00:10:12 – 00:11:16 (Séquence 7) : Armand Forel parle de son engagement politique. Un premier événement, qui l'a poussé à s'engager politiquement, a été le massacre perpétré par les recrues et par les régiments valaisans contre les manifestants genevois, tragique événement survenu à Genève au temps de Léon Nicole. C'était l'époque d'Oltramare aussi. Un autre événement a été, ensuite, la guerre d'Espagne. Son père, par antifascisme, avait accueilli 16 orphelins républicains chez lui, ce qui fit un petit scandale. 00:11:20 – 00:13:15 (Séquence 8) : Armand Forel parle de son engagement politique. La découverte du nazisme, en Allemagne, a été l'élément majeur qui l'a poussé à s'engager politiquement. Emmené par son père, il se rend deux fois à Munich, où il voit les SS et les SA battre les juifs dans la rue, et leur infliger d'autres vexations. C'était avant 1938, avant l'Anschluss avec l'Autriche. En Suisse, à l'école à Zurich, personne ne croit ses récits. Il mesure, en fréquentant la fille de Jules Humbert-Droz, que les communistes étaient ceux qui luttaient le plus énergiquement contre le nazisme. En Suisse, le nazisme était bien présent avant l'Anschluss, les choses ont changé par la suite. 00:13:20 – 00:14:21 (Séquence 9) : Armand Forel parle de son expérience dans l'armée. Il a fait partie des sanitaires de montagne. Il a commencé son école de recrue à Bâle et terminé à Kriens. Il a fait tous les cours de répétition jusqu’à l’âge de 50 ans environ. Il a participé à de nombreux cours alpins. Il s'est pris d'amitié avec entre autres l'ancien conseiller fédéral Bonvin, qui était capitaine et commandant des cours alpins à Montana, à Verbier. Il a connu de Kalbermatten aussi. Grâce à cette expérience, il a gardé toute sa vie le goût de la haute montagne. 00:14:26 – 00:15:53 (Séquence 10) : Armand Forel parle de son expérience dans l'armée pendant la deuxième guerre mondiale. Il rappelle qu'il est entré dans le parti communiste en 1943. Il a manifesté son antifascisme pendant son service militaire en réarmant les Forces françaises de l'Intérieur, les FFI. Les Allemands internés en Suisse devaient déposer leurs armes à la frontière. Sa compagnie était commandée par Soldini, avec lequel il s'entendait bien malgré leurs différentes idées politiques. Soldini appartenait à l'Action nationale, par la suite il est devenu Conseiller national comme lui. Ils ont fait un transport d'armes considérable du Brassus jusqu'à Genève. Là, un camarade déguisé en nonne a pris les armes. 00:15:58 – 00:18:24 (Séquence 11) : Armand Forel parle de son expérience dans l'armée pendant la deuxième guerre mondiale et de son activité antifasciste. Le parti communiste suisse voulait aider les partisans italiens. C'était l'époque de Kesserling. Les Italiens manquaient de tout, surtout de médicaments. Pour leur apporter de l'aide, il s'est rendu sur place, mais il a été arrêté par un garde-frontière. Le prieur, un démocrate, l'a aidé à s'enfuir. Il est retourné à Martigny à ski, chargé des armes des Italiens, qu'ils n'avaient pas déposées à la douane. Ensuite, il a caché ces armes chez son père à Prangins. Il ignorait que son père était aussi impliqué dans des actions antifascistes du côté de la France. C'est seulement à la fin de la guerre qu'ils ont découvert leurs activités antifascistes respectives. 00:18:29 – 00:19:52 (Séquence 12) : Armand Forel raconte son adhésion au parti communiste. Il rappelle que le parti était interdit. Sa décision d'y adhérer se concrétise lors de la bataille de Stalingrad. Etudiant en médecine, il se savait de gauche, mais il se sentait complètement inutile, parce qu'il n'avait aucun instrument pour manifester ses opinions. Une fois entré dans le parti, il s'est senti libéré. Au début son activité était restreinte, il distribuait des journaux, il affichait des tracts antifascistes dans les toilettes publiques. Lors d'une campagne d'affichage, il a été arrêté à la gare de Lausanne. Ainsi son père a appris qu'il était communiste. 00:19:58 – 00:21:33 (Séquence 13) : Armand Forel raconte sa vie entre engagement politique et carrière de médecin. Il passe son deuxième examen propédeutique après avoir été élu au Grand Conseil vaudois, à 24 ans. A 27 ans et avec une année de retard à cause de son activité politique, il s'est présenté aux examens finaux de médecine. Une fois devenu médecin, son ami le professeur Armand Delachaux lui a annoncé qu'il n'est pas accepté comme interne. L'hôpital universitaire interdisait toute activité en dehors du travail de médecin. Il aurait donc dû abandonner son activité politique au Conseil national. 00:21:40 – 00:22:31 (Séquence 14) : Armand Forel raconte sa vie entre engagement politique et carrière de médecin. En 1950, il ouvre son cabinet à Nyon dans des conditions difficiles. Il n'avait pas reçu d'aide de son père et avait dû acheter tout le matériel d'occasion. Il aurait aimé devenir psychiatre, mais il n'a pas pu. Des années plus tard, des amis du Conseil d'Etat, dont Guisan, lui ont dit qu'ils auraient dû lui permettre de continuer sa carrière de médecin, car elle lui aurait permis de faire moins de politique. 00:22:38 – 00:23:55 (Séquence 15) : Armand Forel raconte l'histoire de son parti, le Parti suisse du Travail, créé en 1945 : Karl Hofmaier en était le secrétaire général, et Léon Nicole le pr
Après un mauvais départ dans la vie qui le mène en prison, il va démarrer à Paris comme éditeur de BD pour adultes, grâce à de solides amitiés et à un caractère bien trempé. En Suisse romande, la ...percée est plus difficile, mais il est soutenu par des hommes comme Pierre Duvoisin, alors syndic d'Yverdon, qui l'a écouté et aidé. Passionné par le livre, généreux dans ses anathèmes comme dans ses reconnaissances, Rolf Kesselring anime ce Plans-Fixes de sa parole vibrante. 00:00:00 – 00:00:12 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-fixes consacré à Rolf Kesselring, tourné à Romanel-sur-Morges le 22 février 1991. L’interlocuteur est Bertil Galland. 00:00:12 – 00:03:54 (Séquence 1) : Rolf Kesselring évoque sa mère qu'il considère comme un tout : à la fois la plus généreuse et la plus mesquine, la plus raconteuse d'histoires et la plus muette. Il dit d'elle qu'elle ne lui a rien livré mais lui a tout donné. Ils ont eu des rapports passionnels et orageux, à tel point qu'il a choqué des amis en disant qu'il n'était allé sur sa tombe à Yverdon que pour vérifier que la dalle n'avait pas bougé. Sa vie a consisté en des hôtels et des bistrots qu'elle dirigeait à La Comballaz et à Aigle où il a vécu une bonne partie de son enfance heureuse au sein d'une atmosphère de bistrot et de livres extraordinaires. Ses parents se sont séparés très vite car la mère de Kesselring était tombée amoureuse du propriétaire du Café du Marché à Aigle. Cet endroit s'ancrait dans la tradition avec des affiches, notamment peintes par Rouge, qu'il a beaucoup vu dans son enfance. Le peintre le fascinait avec son chapeau à la bergamasque, avec quelques fleurs des Alpes piquées dans le ruban et même une fois un lézard vivant. Il était déjà presque aveugle et s'occupait d'abeilles dans la montagne. Rolf Kesselring était fasciné par le personnage et son art, qu'il trouvait très beau. 00:03:55 – 00:04:55 (Séquence 2) : Rolf Kesselring commente son lien quasiment viscéral avec la région d'Aigle. Il est né à Martigny et considère la plaine du Rhône comme l'univers marquant de son enfance. 00:04:56 – 00:07:05 (Séquence 3) : Rolf Kesselring évoque son expérience des sociétés secrètes et du mystère organisé, d'abord à travers la figure du grand-père, en fait l'amant de sa mère, un homme plus âgé qui vivait avec eux à Aigle après la séparation de ses parents. Il lui a recommandé de ne jamais faire l'armée et de lire des classiques ; et, enfin, de ne jamais faire partie des francs-maçons dont il était membre. Il l'a cependant emmené à la Loge, au Temple et fait le rituel de l'initiation, une expérience qu'il a décrite dans un de ses livres. 00:07:06 – 00:07:36 (Séquence 4) : Rolf Kesselring évoque la figure du grand-père qui l'a beaucoup influencé. Il était politicien à Aigle et un notable mais profondément antimilitariste. 00:07:38 – 00:10:14 (Séquence 5) : Rolf Kesselring évoque son goût pour la lecture : les classiques et les "mauvais" livres que son grand-père – Robert Luginbühl – lui faisait lire, les uns en récompense des autres. Rolf Kesselring a beaucoup apprécié cet homme qui lui manque beaucoup et qui lui a beaucoup appris. Il a été l'homme dans l'univers de Kesselring et lui a appris à lire, notamment entre les lignes et en lui faisant expérimenter ce qu'il lisait, comme la chaleur de fin d'après-midi, par exemple. Il lui a également donné l'amour des reliures et lui a appris l'histoire de l'imprimerie et le fait que Gutenberg n'a pas inventé l'imprimerie, mais le caractère mobile. 00:10:16 – 00:13:42 (Séquence 6) : Rolf Kesselring explique qu'il souhaitait devenir marin sans doute à cause de ses lectures de Jules Verne et Pierre Loti. Sa mère, Andrée Berthe, aurait préféré qu'il fasse un métier apportant la stabilité et l'honorabilité, comme gendarme, ce qu'il a rejeté. Elle lui a alors suggéré de devenir régent, une position très enviable en raison du salaire et des vacances, sans compter une charge de travail minime et une bonne retraite. Rolf Kesselring, n'étant pas très bon élève, est donc entré à contrecœur à l'Ecole normale. Auparavant, il a tenté et échoué à l'examen de la marine marchande à Bâle. Il a également réussi les examens de la marine au long cours au Havre et ceux de l'Ecole de commerce. Il souhaitait également entrer aux Beaux-Arts mais n'osait pas le dire. Au final, sa mère a décidé pour lui et, avec un de ses professeurs, l'a convaincu de passer le concours d'entrée à l'Ecole normale qu'il a réussi alors qu'il était plus cancre qu'assidu. 00:13:44 – 00:16:29 (Séquence 7) : Rolf Kesselring évoque un professeur de l'Ecole normale – Subilia – qui l'a marqué et qui s'identifiait beaucoup à Malraux, avec sa mèche et ses cravates écossaises. Il était rigoureux et sévère. Cependant le jour où Rolf Kesselring a appris que son grand-père était mourant, il a décidé de ne pas se présenter aux examens trimestriels, de mathématiques en particulier, et Subilia lui a alors dit qu'il savait tenir une plume et qu'au moins cette porte lui resterait ouverte. Rolf Kesselring ne s'est pas présenté à l'examen, il s'est fait renvoyer de l'Ecole et est monté à Troistorrents, accompagner la mort de son grand-père. Ce dernier lui a alors fait un bilan de sa vie. Au final, cet homme lui aurait beaucoup appris sur la vie et les femmes, notamment. 00:16:32 – 00:17:57 (Séquence 8) : Bertil Galland explique que Rolf Kesselring a quitté l'Ecole normale pour devenir apprenti décorateur, avant de rencontrer, à 16 ans, une jeune fille de plus de 20 ans. Il est alors entré dans une sorte de marginalité qui conduira à son enfermement. A l'époque, il est passé d'Yverdon où sa mère avait un bistrot, à Lausanne où il s’est trouvé tout d’un coup à la Chambre pénale des mineurs. Il voyait son père comme un vague fantôme, gentil, constamment absent, même s'il lui achetait souvent des chaussures. 00:18:00 – 00:20:52 (Séquence 9) : Rolf Kesselring raconte la réconciliation de ses parents, au moment où il avait des ennuis. En fait, il avait 17 ans quand il a rencontré une fille de 21 ans et il est allé vivre chez elle. Les autorités ont été alertées et il a été emmené en salle d'arrêt puis mis en cellule pendant trois semaines. Il ne savait pas vraiment pourquoi il était là, n'ayant commis que les petits délits typiques des jeunes de son époque, comme voler une motte de beurre ou trois petits Skira chez Payot. Mais les autorités ne savaient pas cela : on lui a fait passer un contrôle d'identité et un autre d'anthropométrie, ce qui l'a beaucoup impressionné. Trois semaines plus tard, Paul-Eugène Rochat, directeur de la Maison d’éducation de Vennes, l'a emmené en observation après que décision eu été prise entre le juge d'instruction et ses parents. Il était considéré comme un cas social et un jeune non conforme à la norme. Or le cas social est peu à peu devenu pénal car, notamment pour faire comme les autres, Rolf Kesselring a raconté des histoires rocambolesques. 00:20:55 – 00:21:25 (Séquence 10) : Rolf Kesselring parle de son livre "La quatrième classe", dont le titre fait référence au transport des prisonniers en Suisse vers les pénitenciers. Il s'agit en fait d'un fourgon postal, tout en métal et bois dur, glissant et petit. C'est donc par dérision, au moment où la troisième classe a été supprimée par les chemins de fer fédéraux en Suisse, que les gens ont donné ce nom au transfert des prisonniers. 00:21:29 – 00:24:42 (Séquence 11) : Rolf Kesselring revient sur son séjour à la Maison d'éducation de Vennes où il y a été mis pour des raisons sociales et non pénales. Cependant, au bout de trois mois d'observation sociale, deux agents de la PJ de Lausanne l'ont emmené et mis au cachot. On a fini par lui faire avouer quelques menus larcins et à partir de là il a eu un dossier pénal. Il a été jugé en Chambre des mineurs, a pris une peine indéfinie et est retourné à la Maison d'éducation. Il a ensuite fugué plusieurs fois jusqu'à être "recueilli" par un ami qui l'a mis "au travail" rapidement, sur la base de ses prétendus talents de rocambole. Ce fut son premier vrai délit. 00:24:47 – 00:26:27 (Séquence 12) : Rolf Kesselring évoque son séjour en prison comme un grand jour gris qui a duré une dizaine d'années, en parlant du Bois-Mermet à Lausanne où il était au milieu d'assassins et de criminels qui l'effrayaient car il était encore très jeune. Il a été sauvé par ses carnets de notes qu'il gardait toujours avec lui. Il a toujours écrit et pris des notes, suivant ainsi les conseils du grand-père Luginbühl. Il a réécrit ainsi des auteurs comme Boris Vian dans les marges des ouvrages. 00:26:33 – 00:27:46 (Séquence 13) : Rolf Kesselring est sorti de prison vers 25 ou 27 ans. A l'époque, il avait un ami journaliste, rencontré pendant sa période carcérale. Il a également profité de son enfermement pour écrire des nouvelles et les publier par l'entremise de gardiens sympathiques, dans des revues comme "Futuro" à Rome ou "Plexus" et "Mercury" en France. Isabelle Aguet de "L'Illustré" s'était prise d'amitié pour lui et elle le publiait dans le journal. Sa paie lui permettait de cantiner pendant son incarcération. 00:27:52 – 00:29:12 (Séquence 14) : Rolf Kesselring évoque un ami journaliste, présent quand il est sorti de prison : c'est lui qui l'a introduit au monde de la presse romande. A cette époque, Rolf Kesselring faisait le matin de la peinture en bâtiment avec un ami, pour vivre. Il était également éditeur l’après-midi à Yverdon car c'est là que se trouvait l'imprimeur Cornaz qui a publié un de ses écrits. Ce livre "Martiens d'avril" a été réédité chez Favre et Rolf Kesselring s'est battu pour le vendre car il souhaitait être lu. 00:29:18 – 00:31:13 (Séquence 15) : Rolf Kesselring raconte comment un de ses amis, Denis Niklaus, impresario de Michel Bühler, et lui se sont occupés des premières tournées de Gilles Vigneault en Suisse. A cette époque, Rolf Kesselring n'avait, à son catalogue d'éditeur, qu'un de ses propres ouvrages, un de ceux de Richard Aeschlimann, "Sang Titre" et
Par leur engagement dans la vie locale, ils ont marqué la ville du Nord vaudois. Imprimeur parce qu'il s'agissait de reprendre l'entreprise paternelle, Henri est très tôt passionné de théâtre et de ...musique contemporaine. Son épouse Jacqueline est infirmière et, comme lui, elle a besoin d'élargir son horizon et de mener une action sociale. Elle participe à la création d'une garderie d'enfants et d'une bibliothèque enfantine et consacre à Pestalozzi une exposition et un livre. Son mari, quant à lui, collabore à la constitution d'une coopérative d'habitation et lance le Ciné–club d'Yverdon. Un couple qui, à lui seul, représente une tranche importante de l'histoire yverdonnoise. 00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Jacqueline et Henri Cornaz et tourné à Yverdon-les-Bains le 25 septembre 1990. 00:00:11 – 00:01:10 (Séquence 1) : Bertil Galland explique que Jacqueline Cornaz est un des deux personnages de l'histoire yverdonnoise qui va être contée ici. Elle dit être née à Yverdon dans une famille très attachée à sa ville. Ils étaient cinq enfants et s'appelaient Besson. Son père dirigeait une fabrique de pâtes alimentaires, créée par son grand-père, Jules Besson. Il était grand lecteur et faisait partie de la bibliothèque publique d'Yverdon : il a donc donné à ses enfants une ouverture à la lecture et à la ville. Il a également été membre du Conseil communal et de la Municipalité d'Yverdon si bien que les enfants ont toujours été intéressés par l'histoire de leur ville. 00:01:10 – 00:01:38 (Séquence 2) : Jacqueline Cornaz explique qu'elle lisait, enfant, des ouvrages pris à la bibliothèque enfantine de l'Eglise libre dont sa famille faisait partie. Chaque semaine, après l'école du dimanche, elle allait en faire provision et a notamment lu tout Jules Verne avec passion. 00:01:39 – 00:03:21 (Séquence 3) : Henri Cornaz explique avoir mal commencé sa vie : très malade à un an et demi, il perd ensuite sa mère à l'âge de huit ans. Il s'est senti seul, si bien que, très tôt, fiction et réalité se sont mêlées, notamment en visionnant un film racontant l'histoire d'un petit garçon perdant sa mère au même âge que lui. L'institutrice qui les avait emmenés voir le film, lui a d'ailleurs reproché de ne pas pleurer puisqu'il était touché de près par le film : il a longtemps culpabilisé sans rien oser dire, notamment à son père. Cornaz a donc vécu dans une bulle solitaire et situe sa perte de foi à cette époque : il priait plus volontiers sa mère au ciel que Dieu. 00:03:22 – 00:03:39 (Séquence 4) : Henri Cornaz évoque son père, un chrétien fondamentaliste et un abstinent convaincu, membre de la Croix-Bleue, ce qui est peut-être expliqué par l'alcoolisme de son propre père, qui s'est par la suite converti. 00:03:41 – 00:04:18 (Séquence 5) : Henri Cornaz explique que son père a repris en 1919 une petite imprimerie à Yverdon où il y avait cinq, six collaborateurs. Il est né à l'étage au-dessus et a baigné dans cette atmosphère : son destin était fixé. Il est donc devenu typographe. 00:04:21 – 00:05:24 (Séquence 6) : Jacqueline Cornaz raconte l'épidémie de polio en 1937, qu'elle a elle-même contractée. Elle a été paralysée quelques semaines, au point de souhaiter que si elle s'en sortait, elle se vouerait aux malades. Une fois guérie, à l'âge de 20 ans, elle a fait l'Ecole de la Source, ce qui lui a ouvert tout un horizon social dont elle n'avait pas conscience auparavant. 00:05:28 – 00:06:48 (Séquence 7) : Jacqueline Cornaz évoque ses racines françaises : sa mère l'était par son père qui venait du Poitou et a fait des études de théologie à Genève. C'était un homme très original et aimable, qui a eu cinq enfants. Bien que vivant en Suisse - Fully, Grandson et Yverdon - il a fait le voeu de rester toujours français, même si sa femme a refusé d'élever leurs enfants en France, un lieu de perdition. Les Cornaz, eux, ont toujours été très francophiles, notamment car la parenté de Jacqueline vivait en France et qu'elle y a fait de nombreux séjours de vacances. 00:06:52 – 00:08:53 (Séquence 8) : Henri Cornaz évoque ses années de collège et se souvient particulièrement que c'était une période de chômage. Ses professeurs du Collège d'Yverdon étaient remarquables, dont notamment Léon Michaud, qui lui a donné une certaine homogénéité de l'histoire, de la géographie et de la littérature. Cornaz cite également Armand Bovet, professeur de musique et directeur d'un petit orchestre où il jouait, ainsi qu'André Renaud, compagnon du professeur Charcot dans le Grand Nord, et Pierre Javet, qui, le premier, a parlé à ses élèves de la force atomique. Cornaz a donc bénéficié de beaucoup d'ouvertures pendant sa scolarité. On leur faisait également assister à des concerts de Jacqueline Blancard et Ansermet, avec l'Orchestre de la Suisse Romande romande et les deux frères Desarzens. Cornaz a été subjugué : le goût de la musique accompagnera toute sa vie. 00:08:57 – 00:09:48 (Séquence 9) : Henri Cornaz parle de sa découverte du théâtre lors des soirées du collège d'Yverdon, qui mettait en scène parfois un Molière ou un Racine. Un car a été affrété une fois pour aller voir Copeau à Orbe et une autre fois, Jouvet s'est déplacé pour donner "L'école des femmes". 00:09:53 – 00:11:47 (Séquence 10) : Henri Cornaz explique avoir commencé son apprentissage de compositeur typographe juste après le collège. Il avait honte de sa condition d'apprenti car ses amis étaient étudiants. Il a très vite essayé de compenser en lisant de manière boulimique les grands écrivains et le reste. Vers la fin de son apprentissage, il était très attentif à ce qui se passait dans le monde, notamment la montée du fascisme. En 1940, il était donc content d'entrer à l'école de recrues car il voulait pouvoir défendre son pays si les Allemands envahissaient la Suisse. Il a ensuite été mobilisé dans les couvertures frontières : il pouvait donc continuer à travailler l'hiver. 00:11:53 – 00:13:22 (Séquence 11) : Henri Cornaz raconte qu'à la fin 1942, il part à Zurich comme compositeur typographe dans une petite entreprise. Après quelques soucis de langue, il commence à s'adapter et s'inscrit à la Volkshochschule pour des cours de musique traditionnelle juive. Il découvre ensuite le Schauspielhaus, le Kunsthaus et la vie musicale locale. Il voit d'ailleurs Paul Sacher diriger un orchestre sur Bartok : il découvre alors la grande musique contemporaine et en est depuis lors un inconditionnel. Il entend également Hermann Scherchen et va voir les musées et expositions : il apprend donc à écouter et regarder. 00:13:28 – 00:16:18 (Séquence 12) : Henri Cornaz évoque son séjour à Zurich, en compagnie notamment de Beno Besson, Yverdonnois de naissance et même cousin germain du père de Jacqueline Cornaz. Il voit sur place "Der gute Mensch von Sezuan" de Brecht, dont il raconte quelques passages marquants. Il s'enthousiasme pour les questions de théâtre et en débat avec ses amis yverdonnois comme Lambercy, le céramiste, et Besson lui-même : ils se retrouvent chez Madeleine, la soeur de Benno Besson. 00:16:24 – 00:17:59 (Séquence 13) : Jacqueline Cornaz explique qu'elle a fait ses études d'infirmière à La Source, à Lausanne. Une fois diplômée, elle est allée travailler à l'Hôpital de Cully, ce qui n'était pas facile, notamment en raison des services de nuit. C'était lors de l'hiver 1946-1947 et Paul Budry était un patient, gravement malade et assez aigri. Comme il s'ennuyait, il l'appelait toujours vers minuit, pour discuter. Très prise, elle lui a un jour suggéré de venir l'aider avec les poupons vers cinq heures du matin et de converser alors. 00:18:06 – 00:20:01 (Séquence 14) : Jacqueline Cornaz explique avoir rencontré son mari Henri par l'Eglise de la jeunesse libre. Ils se sont mariés et elle a dû quitter son métier d'infirmière car elle ne pouvait travailler à temps partiel. Ils ont rapidement eu trois filles et une fois qu'elles ont été grandes, Jacqueline Cornaz s'est recyclée et s'est remise à travailler. Elle n'est pas restée inactive pour autant, car elle avait besoin d'ouverture : elle a vite réalisé qu'il manquait une dimension sociale à Yverdon. Elle a donc été à la base, avec quelques autres, d'une Ecole de parents et de la garderie "Le Lapin bleu". Quelques années plus tard, ils ont créé une bibliothèque enfantine. Puis Henri Cornaz s'est occupé d'une coopérative d'habitation. Ce fut la réponse du couple au besoin d'ouverture qu'ils éprouvaient. 00:20:08 – 00:23:54 (Séquence 15) : Henri Cornaz parle de Zurich, une ville qui lui a beaucoup apporté, en termes de typographie et de vision du monde. Son ami Philippe Lambercy et lui avaient une vision ramuzienne du métier : le premier se voulait artisan, alors que le second s'interrogeait sur la possibilité de vivre l'entreprise de typographe, tout en pratiquant sa profession, avec les responsabilités que cela impliquait. Cornaz insiste cependant sur le fait qu'ils n'étaient pas de grands intellectuels avec de grandes idées. De même Besson était également très concret et ensemble, ils essayaient tous de penser de manière très concrète. A l'époque, se trouvait à Bâle, Mascarin, un céramiste et réfugié antifasciste, qui leur a beaucoup apporté car il leur demandait toujours comment ils comptaient réaliser leurs idées. Cornaz, lui, a suivi des cours à la Gewerbeschule de Zurich et également de dessin de lettres. Il a donc beaucoup appris sur la manière d'envisager la lettre, en tant qu'œuvre d'art plus que comme simple signe. Après cette année à Frauenfeld, il est rentré à Yverdon, pensant notamment reprendre l'entreprise familiale, tôt ou tard. Il est parti camper avec Benno Besson, avec qui il s'est plus ou moins disputé et à qui il a suggéré d'écrire une pièce. Besson a préféré adapter une pièce de Brecht, "Les Trois Soldats" et Cornaz s'est chargé de trouver des acteurs du POP, que Besson a dirigés pendant quatre mois. Ce fut la première mise en scène de Besson. 00:24:01 – 00:24:42 (Séquence 16) : Henri Corna
Pédagogue d'instinct, il a été un des premiers dans l'enseignement secondaire vaudois à s'adresser à ses élèves en tant que personnes, à s'intéresser à leur situation familiale, à les initier au ...travail d'équipe. Son intérêt pour les questions psycho–pédagogiques l'a amené à fonder le Centre vaudois de recherches pédagogiques. Avec son collègue et ami Charly Pfister, il a contribué à démystifier la note scolaire, à valoriser les aptitudes des élèves, à encourager les maîtres dans le but de mieux orienter les enfants. 00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Carl Stammelbach, enseignant, et tourné à La Fouly le 24 juillet 1990. L'interlocuteur est Bertil Galland. 00:00:11 – 00:02:14 (Séquence 1) : Bertil Galland explique que l'entretien se déroule au chalet de La Fouly et évoque la passion de Carl Stammelbach pour les fleurs et les rocailles. Stammelbach répond que ce goût lui vient de son enfance : il est né à Couvet au Val-de-Travers et ses premiers souvenirs sont les promenades avec sa mère. Ils allaient voir des haies fleuries ou des sous-bois remplis d'oiseaux. Il se rappelle les grandes branches de hêtre, roussies par l'automne, que sa mère mettait dans des vases. Il fréquentait alors beaucoup les jardins de sa mère et des amis de cette dernière. Stammelbach avait même un pommier à son nom dans le verger de ces gens. Comme il n'y avait guère d'automobiles, il avait à disposition une draisine pour s'y rendre. 00:02:14 – 00:03:23 (Séquence 2) : Bertil Galland demande à Carl Stammelbach de parler de sa mère, souvent entourée d'une aura de merveilleux, non sans lien avec la musique. Elle jouait en effet du piano et chantait. Stammelbach se souvient qu'elle participait également à l'église lors de fêtes religieuses, ce qui l'émouvait beaucoup. 00:03:24 – 00:04:44 (Séquence 3) : Carl Stammelbach évoque l'aspect tragique de son enfance : quand il est né, un an après le mariage de ses parents, son père était déjà décédé. Il a donc été élevé par son oncle et tuteur qu'il appelait papa, tout en sachant qu'il n'était pas son vrai père. Il vivait ainsi avec deux parents. L'oncle avait lui-même perdu son épouse à la même période que sa sœur a perdu son mari. Elle est venue s'installer chez lui, pour tenir son ménage et élever son neveu. 00:04:45 – 00:05:59 (Séquence 4) : Carl Stammelbach raconte sa famille un peu particulière et le remariage de son oncle. Ce dernier était médecin chef de l'Hôpital de Couvet et également chirurgien : c'est parmi les sœurs de l'établissement qu'il a rencontré sa nouvelle épouse. Stammelbach l'a vécu comme un événement tragique et raconte comment il en a vécu l'annonce par sa mère. Il a eu l'impression de perdre un père une seconde fois. 00:06:01 – 00:07:03 (Séquence 5) : Carl Stammelbach évoque le déménagement à La Chaux-de-Fonds avec sa mère. Puis cette dernière s'est remariée, même si la rencontre avec le futur beau-père de son fils s'est passée de manière étrange. Stammelbach était en effet en première année du pro-gymnase qui organisait alors des camps de vacances aux Diablerets. Au bout d'une semaine, Stammelbach est revenu par le train dans lequel le hasard a voulu qu'il croise sa mère et l'homme qui allait devenir son beau-père. 00:07:05 – 00:09:53 (Séquence 6) : Carl Stammelbach explique, qu'alors qu'il terminait sa première année de pro-gymnase à la Chaux-de-Fonds, sa mère s'est remariée et son nouveau beau-père a été appelé à Lausanne pour reprendre la direction des Coopératives. Il était un grand personnage parmi les socialistes neuchâtelois, très ami de Charles Naine, le rédacteur de "La Sentinelle" de la Chaux-de-Fonds, et chef du parti local. Le côté militant de cet homme n'était pas très bien supporté par les Stammelbach, aux idées plus libérales. Mais son tempérament était très différent de tout ce que Carl Stammelbach avait pu connaître jusqu'alors, puisqu'il avait été éduqué essentiellement par sa mère. Son beau-père lui a donc donné une éducation de garçon, en lui faisant faire beaucoup de courses de montagne. D'ailleurs, cela lui est resté et il continue à faire de grandes balades encore aujourd'hui. 00:09:55 – 00:10:30 (Séquence 7) : Carl Stammelbach raconte comment sa famille a quitté La Chaux-de-Fonds pour Lausanne, suite à l'appel de son beau-père Charles Franc, à travailler dans cette ville dans le mouvement des Coopératives. Il avait alors 12 ans et a beaucoup aimé Lausanne, notamment par sa proximité avec le lac. Il est ainsi devenu navigateur. 00:10:32 – 00:13:14 (Séquence 8) : Carl Stammelbach raconte ses années au collège classique, qui était très différent que ce qu'il avait connu à La Chaux-de-Fonds. Il s'agissait d'un établissement ancien, tenu par Edouard Payot. Ce dernier l'a accueilli dans son bureau et l'a soumis à un exercice de latin, de mathématiques et de français. A l'époque, Stammelbach était un élève assez brillant, sans être le premier de la classe, puisque les filles occupaient les premiers rangs. A son arrivée dans ce nouvel établissement scolaire, il a été surpris par l'indiscipline de certains élèves. De manière générale, il a trouvé le canton de Vaud plus compassé et plus droit : la pédagogie ne se faisait pas, alors. Le collège n'en était pas moins sympathique car il y avait de nombreux maîtres très attachés à la montagne et aux Alpes, notamment le professeur de latin qui faisait de la varappe tous les samedis. 00:13:16 – 00:14:06 (Séquence 9) : Carl Stammelbach évoque sa vocation d'enseignant qui lui est venue très tôt. Il se rappelle une leçon de français où le maître expliquait une règle de grammaire et il a pensé alors qu'il l'enseignerait différemment. Devenir enseignant lui a paru ainsi être une voie naturelle pour lui. 00:14:09 – 00:15:24 (Séquence 10) : Carl Stammelbach évoque son professeur André Bonnard qu'il a eu comme maître de grec dès la troisième et deuxième. Puis il l'a retrouvé au gymnase, alors que Bonnard était nommé, dans le même temps, à l'université. Il l'a ensuite eu à la Faculté des lettres. 00:15:27 – 00:16:15 (Séquence 11) : Bertil Galland évoque la figure d'André Bonnard qui est allé en Grèce sur l'incitation de Carl Stammelbach. Auparavant, celui-ci a quand même sollicité l'aide de la Société académique vaudoise pour le premier voyage à pied en Grèce de Carl Stammelbach et de son ami, Eugène Badoux, une fois leur licence en lettres obtenue. Lui-même ne partira que quelques années plus tard, envoyé par l'Université de Lausanne 00:16:18 – 00:16:48 (Séquence 12) : Bertil Galland parle d'André Bonnard à Carl Stammelbach qui l'a bien connu : il avait l'habitude d'inviter ses élèves chez lui, une attitude que Stammelbach a perpétuée. Les séminaires de grec avec Bonnard et ceux de philosophie avec Arnold Reymond se passaient en effet chez ces messieurs. 00:16:52 – 00:17:16 (Séquence 13) : Carl Stammelbach explique avoir eu beaucoup de chance en apprenant l'allemand et en rencontrant Henri Miéville qu'il a retrouvé ensuite au gymnase et à l'université, notamment en philosophie. 00:17:21 – 00:17:55 (Séquence 14) : Carl Stammelbach raconte avoir fait un travail sur Rilke au gymnase, ce qui éclaire sur la dimension de la poésie dans sa vie. Rilke y a d'ailleurs joué un rôle puisque des amis français de Stammelbach ont fait la connaissance de Baladine Klossowska - alias Merline - qui a découvert avec Rilke la région au-dessus de Sierre. 00:18:01 – 00:18:33 (Séquence 15) : Carl Stammelbach raconte son année d'étude à Breslau où il a eu des professeurs remarquables en latin et en grec, notamment Malten qui donnait un cours sur toute l'histoire de la littérature grecque. 00:18:39 – 00:19:11 (Séquence 16) : Carl Stammelbach évoque sa vision de l'Allemagne pendant les années 1929-1930, notamment à travers la montée du nazisme. Il se souvient d'un cortège en Silésie où les ouvriers étaient séparés et surveillés par des camions de policiers. 00:19:18 – 00:21:24 (Séquence 17) : Carl Stammelbach raconte ses débuts de carrière comme pédagogue, notamment en Turquie. Son premier voyage en Grèce l'a en effet tellement marqué qu'il a souhaité enseigner dans un pays oriental : le hasard a voulu que ce soit la Turquie où il a enseigné le français au collège américain libre de Tarsus. D'ailleurs, Saint Paul est censé être né à l'emplacement même du collège. Stammelbach enseignait donc avec la méthode directe qu'il a inventée pour partir de zéro dans l'enseignement d'une langue. Il avait également un club de marche dans cette école. 00:21:31 – 00:22:22 (Séquence 18) : Carl Stammelbach raconte son désir de pousser ses élèves sur les planches : il a toujours aimé le théâtre et en faire avec eux, depuis Tarsus déjà. Ses élèves ont décidé de traduire en turc "L'amour médecin de Molière", qu'ils avaient lu avec lui, et de monter la pièce. Or le maire de la ville a pensé qu'il s'agissait d'une œuvre pornographique et a voulu l'interdire. Le spectacle n'a donc été donné que pour les élèves. 00:22:29 – 00:24:36 (Séquence 19) : Carl Stammelbach parle de son poste de professeur au collège classique cantonal de Béthusy qu'il a occupé 16 ans durant. Bertil Galland évoque le rayonnement qu'il a exercé sur ses élèves. Stammelbach explique que cela s'est fait de façon naturelle : il éprouvait un besoin intérieur de partager sa passion pour la poésie, l'art et l'histoire. Sans la concurrence de la télévision, ce fut une époque remarquable pour bien des enseignants. Chose nouvelle, Stammelbach faisait entendre à ses élèves des disques, puisque la radio n'était pas encore si répandue. De même, il leur faisait découvrir des tableaux, dont la reproduction était rare. 00:24:43 – 00:26:28 (Séquence 20) : Carl Stammelbach offrait à ses élèves tout un univers qu'il portait en lui et véhiculait dans ses leçons. Il raconte l'anecdote d'un jeune élève, qui protestait vivement quand il lisait un conte de Supervielle, car il ne supportait pas d'entendre des choses fausses. Autre exemple, Stammelbach a lu à ses élèves l'ou
Femme de la terre, maîtresse d'économie domestique formée à l'Ecole normale de Lausanne, elle enseigne d'abord en Suisse, puis, pendant plusieurs années, dans des pays lointains, l'Afghanistan, le ...Cambodge, le Vietnam, le Congo Brazzaville, le Pérou, là où les problèmes des familles paysannes sont les plus difficiles. Convaincue que l'amélioration des conditions de vie rurale dans le tiers monde ne peut se faire sans une connaissance scientifique et technique de l'agriculture, elle explique, à partir de situations vécues, que tout progrès passe d'abord par le respect de l'autre, la connaissance de sa culture, et que rien ne peut être obtenu sans un esprit de solidarité et d'échange. 00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Agathe Salina et tourné à Lausanne le 17 février 1989. L'interlocuteur est Bertil Galland. 00:00:11 – 00:02:11 (Séquence 1) : Agathe Salina est conviée à parler de Kaboul. Deux jours avant l'entretien, le 15 février 1989, les Russes se sont retirés d'Afghanistan. Elle est heureuse des derniers événements. La ville de Kaboul l'a profondément touchée et bouleversée. Elle garde des souvenirs colorés de son école du dimanche. Bien qu'aujourd'hui elle ne soit plus attachée à l'Evangile, elle était touchée par les histoires de patriarche et de désert. En arrivant dans la ville, elle a eu l'impression d'entrer dans la Bible ouverte, vivante et colorée. Elle aimait l’atmosphère particulière donnée par le paysage, la lumière, la couleur du ciel et les Afghans. Elle se souvient de leur visage basané, sculpté par l'expérience et la souffrance, mais aussi modelé par la sagesse. 00:02:12 – 00:03:17 (Séquence 2) : Agathe Salina est diplômée de l'Ecole Normale de Lausanne, elle a un brevet d'enseignement ménager. Elle est restée deux ans à Kaboul. Elle serait volontiers restée plus longtemps. Elle explique les raisons pour lesquelles elle se trouvait dans cette ville : l'UNESCO cherchait une personne d'expérience, pas trop jeune, pour reprendre le flambeau d'une personne portoricaine envoyée par les Américains. L'UNESCO avait contacté l'Administration fédérale suisse, qui leur a proposé Agathe Salina. On l'a engagée pour un contrat de six mois, il a finalement duré 2 ans. Agathe Salina se plaisait à Kaboul, elle y avait des amis. 00:03:18 – 00:06:08 (Séquence 3) : Agathe Salina est invitée à parler de ses leçons données aux filles de Kaboul de 1956 à 1958. Elle était chargée de former un groupe d'institutrices pour l'enseignement des branches d'économie familiale. Le gouvernement avait choisi cinq ou six institutrices. Agathe Salina avait une interprète qui parlait couramment l'anglais et le farsi. Les Afghans parlent le farsi, le persan littéraire et l'ourdou. Agathe Salina a eu du plaisir à travailler dans le lycée, Zargouna, qui était un ancien harem. Elle travaillait quotidiennement avec les institutrices qui étaient très sympathiques et avaient envie d'apprendre. Elle souligne que la tradition pesait sur leur comportement. Elles portaient le tchador, mais une fois arrivées en classe elles l'enlevaient avec élégance en le jetant sur leurs épaules. Agathe Salina explique qu'il est difficile de le supporter, surtout par grande chaleur. Agathe Salina raconte que la tradition, la pression sociale et la coutume n’étaient pas favorables aux femmes. 00:06:09 – 00:08:45 (Séquence 4) : Agathe Salina raconte sa visite chez la magicienne. A Kaboul, elle a attrapé une sinusite. Pendant plusieurs jours, elle n'a pas pu se rendre au travail. Elle est cependant allée au bâtiment des Nations Unies pour donner des documents à sa secrétaire. Elle y a rencontré un ami, un fonctionnaire afghan des Nations Unies qui avait travaillé dans diverses ambassades du monde en tant que secrétaire. Il l’a averti que dans le pays les étrangers ne se guérissaient pas de leur sinusite avant l'été et que les Afghans se guérissaient en allant voir la magicienne. N'ayant pas d'autres moyens de se guérir, elle a décidé de s'y rendre accompagnée de son ami, un soir après son travail. Elle a loué une limousine et un chauffeur. 00:08:47 – 00:11:20 (Séquence 5) : L'ami d'Agathe Salina l'a emmenée consulter une magicienne. Il l'a conduite dans une partie de la ville peu visitée par les étrangers. Agathe Salina a été reçue par la magicienne de manière traditionnelle : elles ont discuté, on lui a offert le thé, puis la magicienne a appelé ses filles et belles-filles pour leur confier des tâches. Elles sont revenues chacune avec un objet particulier. Agathe Salina a dû glisser un sachet blanc dans sa tuque afghane en caracul, suspendre un bâton gravé au dessus de la tête de son lit et mettre des sachets de poudre dans son calorifère. Le traitement traditionnel a réussi. Le surlendemain, Agathe Salina a pu présenter un rapport de travail aux inspecteurs de l'enseignement primaire d'Afghanistan. 00:11:22 – 00:13:20 (Séquence 6) : Agathe Salina se trouvait en Afghanistan pour apporter "les lumières de l'Occident". On lui demande comment elle conciliait le respect de la tradition et l'apport de la nouveauté. Elle pense qu'il est nécessaire de se baser sur les traditions pour apporter de nouvelles notions. Le Coran, écrit au 7e siècle, dit que l'eau qui bouge n'est pas dangereuse, au contraire de l'eau stagnante. Agathe Salina explique qu’il était nécessaire de leur expliquer que l’eau courante de Kaboul était polluée et que la vérité du Coran devait être adaptée aux évolutions de la vie sociale. Agathe Salina a lu le Coran, mais elle reste attachée aux valeurs chrétiennes. Elle respecte les autres religions et leurs pratiquants. Elle considère qu’on ne peut pas apporter de nouvelles connaissances d'inspiration scientifique si l’on méprise le Coran. 00:13:23 – 00:14:22 (Séquence 7) : Après l'Afghanistan, Agathe Salina a travaillé au Vietnam pendant la guerre civile. Elle est ensuite allée au Congo Brazzaville, puis au Pérou et enfin au Cambodge en août 1968. Elle était experte pour les organisations internationales et travaillait comme vulgarisatrice. Elle a effectué un séjour de formation aux Etats-Unis. Agathe Salina s’est intéressée à toute forme d'éducation. Elle a suivi la formation d’institutrice ménagère. 00:14:25 – 00:16:22 (Séquence 8) : Agathe Salina raconte son expérience de l'Amérique. Elle a eu l'occasion en 1954-55, à 44 ans, d'aller étudier une année dans le Middle West à l'Université de l’Iowa spécialisée dans les branches agricoles. Elle a suivi des cours donnés aux étudiants américains et a étudié par exemple la nutrition. L’enseignement était le résultat des recherches scientifiques. Elle a suivi les cours de grands professeurs américains dans le domaine de la nutrition donc ceux de McMillan et Swanson, qui est décédée peu après son départ. 00:16:26 – 00:17:35 (Séquence 9) : Dans l'enseignement américain, Agathe Salina a beaucoup apprécié l'esprit de recherches et de pionniers qui n'existait pas en 1954 en Suisse. Elle a suivi des cours de vulgarisation. Ils étaient également donnés en Suisse, mais de manière empirique. Elle a aussi suivi des cours de sociologie rurale. Les théories issues des recherches scientifiques correspondaient à ses propres expériences. 00:17:39 – 00:19:14 (Séquence 10) : Dans son enfance, Agathe Salina a vécu à Mézières dans le canton de Vaud. Elle y a prêté attention aux relations hommes-femmes. Elle a toujours été contre l'autoritarisme, mais pour l'autorité. Elle n'apprécie pas les méthodes autoritaires en éducation et en formation professionnelle même si elles produisent parfois des résultats étonnants. Agathe Salina a été stagiaire à Marcelin alors que les conditions n'y étaient pas faciles. Elle pense que les méthodes doivent prendre en compte les changements de la société et de la jeunesse. 00:19:19 – 00:20:46 (Séquence 11) : A Marcelin, Agathe Salina a été directrice de l'école cantonale ménagère rurale. Avant d'occuper ce poste, elle a enseigné cinq ans à Moudon, quatre ans à Cossonay puis a été nommée par le Conseil d'Etat à Marcelin. Elle est conviée à parler de son enseignement. Elle n'a jamais eu de problèmes avec ses élèves. Elle a toujours prêté une grande attention à la communication et au dialogue qui est la base d'un enseignement de qualité. L'enseignant doit préparer son cours, apporter aux étudiants des connaissances nouvelles et favoriser l'apprentissage de la matière par l'échange. 00:20:52 – 00:22:56 (Séquence 12) : Agathe Salina a travaillé dans le canton de Vaud et à l’étranger : au Cambodge, au Vietnam, en Afghanistan, au Congo et au Pérou. Elle est invitée à décrire les paysannes vaudoises. Elles se sont unies dans le cadre de groupes locaux avant de former l'association des paysannes vaudoises. Elle pense que le premier groupe de paysannes de la Suisse voire de l'Europe a été constitué à Moudon à la fin de la première guerre mondiale en 1918. Les paysannes ne pouvaient plus écouler leurs produits. Elles ont créé une petite coopérative pour chercher à remédier aux problèmes. Ce groupe a été l’exemple, car par la suite dans chaque canton s'est formée une association cantonale de paysannes. Il existe 90 communautés comptant environ 9000 membres dans le canton de Vaud. Agathe Salina est toujours émerveillée quand les femmes prennent leur destinée en main. 00:23:02 – 00:25:23 (Séquence 13) : Agathe Salina a participé à la vulgarisation préparée par les associations de paysannes. Les paysannes du canton de Vaud qui ont aujourd'hui 60, 70 ou 80 ans se sont heurtées aux difficultés occasionnées par la grande mobilisation de septembre 1939 : les hommes ont été mobilisés et tous les chevaux ont été réquisitionnés. Dans les fermes, il restait les femmes, les vieillards et les enfants. Lors de leurs congés, les hommes rattrapaient le travail qui n'avait pas pu être réalisé et essayaient de prendre de l'avance avant de retourner sous les drapeaux. Dans la continuation de cette période, le peuple et le canton ont manifesté leur reconnaissance en vota
Elle grandit à Genève, aux côtés d'un père totalement absorbé par la musique, chez qui elle rencontre Ravel, de Falla, Stravinski, Ramuz. Devenue infirmière, elle se convertit au catholicisme, puis ...se marie et vit à Paris, où elle découvre la misère des banlieues. Après un divorce et deux remariages, elle vit à Zurich et dans le Midi de la France. Quelques années plus tard, elle revient à Rolle avec son fils et noue des relations très étroites avec son père, l'accompagnant dans ses tournées de concerts, développant avec lui un échange intellectuel très riche. Puis elle part pour l'Inde, se fait bouddhiste, et rentre en Suisse pour s'établir au Centre bouddhiste du Mont-–Pèlerin, avant de se fixer à Rolle. 00:00:00 – 00:00:26 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Anne Ansermet et tourné à Rolle le 27 janvier 1989. L'interlocuteur est Bertil Galland. 00:00:26 – 00:02:14 (Séquence 1) : Anne Ansermet évoque sa maison d'enfance : La Pervenche à Tavel sur Clarens qui était un refuge pour les artistes. C'est là qu'en 1914, ont été fondés les "Cahiers vaudois", alors qu'elle avait sept ans. Son père y a accueilli Stravinski, Duparc et Ravel. Stravinski avait loué une maison voisine et était allé visiter Ernest Ansermet après l'avoir entendu diriger un orchestre. 00:02:15 – 00:02:53 (Séquence 2) : Anne Ansermet évoque Stravinski qu'elle aimait bien : il était petit avec des lunettes, des sourcils constamment froncés, un accent très prononcé et de grosses lèvres. Il aimait bien les enfants et le vin blanc . 00:02:54 – 00:03:58 (Séquence 3) : Anne Ansermet parle de son père et la fois où ils ont vu Stravinski (et non pas Ravel) et Falla jouer une partition à quatre mains sur le piano droit de la maison. Elle explique en effet que si sa famille était très hospitalière, elle n'avait que peu de moyens. 00:04:00 – 00:05:00 (Séquence 4) : Anne Ansermet parle de sa mère et de la création des "Cahiers vaudois" sur son initiative. Elle organisait des rencontres avec Gilliard, Budry, Grivel, Henri Roorda et Ramuz. Ce dernier habitait Paris et venait rarement, mais quand il était là, le ton changeait. 00:05:02 – 00:05:48 (Séquence 5) : Anne Ansermet parle de Ramuz qu'elle a connu vers 1914 quand il avait 36 ans. Elle le décrit comme un homme très gentil avec les enfants et caustique avec les adultes. Il l'aimait bien car elle essayait d'écrire une suite à un roman qu'elle avait aimé ; et lui montrait son cahier. 00:05:51 – 00:06:51 (Séquence 6) : Anne Ansermet parle des créateurs des "Cahiers vaudois" et du genre et des personnages qu'ils se créaient. Elle explique que Ramuz avait toujours un air faussement cynique et beaucoup d'humour. Auberjonois tordait la bouche de côté comme les autres, notamment Gilliard. Elle rappelle qu'ils étaient jeunes, très enthousiastes et aussi un peu amers, notamment par rapport au climat politique à l'encontre de l'art. 00:06:55 – 00:09:24 (Séquence 7) : Anne Ansermet parle de sa grand-tante Julie et de son éducation religieuse. Sa tante était très stricte et vivait dans un appartement dont les fenêtres étaient des vitraux représentant les quatre réformateurs. Elle lui racontait la Bible mais pas les Evangiles et l'a dégoûtée du protestantisme. Ansermet se souvient que lorsque sa tante lui a raconté l'histoire de la Mer rouge, l'enfant qu'elle était avait pris le parti des Egyptiens et avait reçu une gifle mémorable. Son parcours en quête d'une autre spiritualité a commencé ainsi. 00:09:29 – 00:10:19 (Séquence 8) : Anne Ansermet raconte comment la guerre a fait perdre son travail au Casino de Montreux à son père. Sa famille a donc déménagé pour aller à Lausanne, dans un appartement à la rue Etraz, appartenant au flûtiste Giroud. Ils y ont rencontré Diaghilev et les danseurs des Ballets russes grâce à Stravinski. Ils ont tous vécu dans l'appartement alors que le couple Ansermet avait à peine de quoi vivre. 00:10:25 – 00:11:47 (Séquence 9) : Anne Ansermet parle de son père, qui après avoir été engagé par les Ballets russes, s'est mis à voyager autour du monde. Elle explique que c'était de fait un père absent mais un bon père quand même. Il la gâtait en revenant de voyage, était affectueux et la grondait peu. Mais tout tournait autour de sa vie, comme si Anne n'en avait pas une elle-même. 00:11:53 – 00:13:40 (Séquence 10) : Anne Ansermet évoque ses relations avec son père qui ont été très riches intellectuellement. Elle a baigné dans les questions philosophiques avec lui et dans l'occultisme avec sa mère et Gilliard. On ne parlait pas de choses matérielles à la maison et l'argent n'y avait pas de valeur. Dès son enfance, Anne Ansermet s'est donc intéressée à toutes ces questions. Elle a commencé à participer aux débats de son père quand ils sont partis pour l'Amérique du Sud, durant six mois. Ils allaient souvent chez Victoria Ocampo et y avaient des conversations philosophiques. 00:13:47 – 00:15:41 (Séquence 11) : Anne Ansermet parle de son père et des fondements de la musique, ainsi que de sa vision de la spiritualité. Il essayait en effet d'avoir un horizon plus ouvert. L'interviewer demande alors à Anne Ansermet si son père était prude. Elle répond que son père ne réalisait pas vraiment qu'il avait une fille vivante et grandissante. Cela l'a un peu choqué de découvrir une jeune fille qui tenait un journal, aimait et pensait. Ses parents ont en effet découvert dans ce journal son admiration pour François Olivier et son père l'a disputée très fort. Elle explique que son père était très jupitérien dans ses colères. 00:15:49 – 00:17:53 (Séquence 12) : Anne Ansermet évoque sa vie de Genève : deux ans après que son père prenne la tête de l'Orchestre Romand, sa famille a déménagé à Genève en 1918. C'était au moment de la grippe espagnole et la ville lui a paru sinistre, car il y avait des convois funéraires dans les rues. Son père est tombé malade. On l'a mise dans une école pour les jeunes filles de bonnes famille, où elle a beaucoup souffert de la différence sociale. Elle s'est donc liée avec des fillettes plus simples. Elle fait le lien avec ce paternalisme et cette condescendance sociale avec le comité de l'orchestre romand pour lequel travaillait son père qui avait aussi cette attitude. Cela a posé les prémisses de son engagement social. 00:18:01 – 00:19:27 (Séquence 13) : Anne Ansermet raconte comment elle a été obligée de suivre le catéchisme protestant avant de se convertir. Elle explique qu'à cette époque, Genève connaissait une vague de conversion au catholicisme avec Bloy, très social qu'elle préférait et Maritain le néo-thomiste. Les peintres se convertissaient avec le premier et les intellectuels et musiciens avec le deuxième. Elle précise que son père ne s'est jamais converti. 00:19:36 – 00:20:32 (Séquence 14) : Anne Ansermet parle de son éducation religieuse qui était thomiste à la maison grâce à l'ami de ses parents Adrien Bovy. Il leur a fait rencontrer l'abbé Journet, qu'elle décrit en détail. Il avait de longues discussions avec son père. 00:20:41 – 00:21:18 (Séquence 15) : Anne Ansermet évoque sa quête d'absolu depuis l'enfance. Elle l'a cherché dans le protestantisme puis dans le catholicisme notamment avec l'Abbé Journet, avant de réaliser qu'il n'était pas vraiment dans un dieu. Entre-temps, elle a été baptisée à Fribourg par Monseigneur Besson. 00:21:28 – 00:21:39 (Séquence 16) : Anne Ansermet parle de ses études d'infirmière à Fribourg suite à son échec à l'examen de capacité au violon. 00:21:50 – 00:22:34 (Séquence 17) : Anne Ansermet parle de son premier mari Bénédict de Saussure qui faisait l'école des beaux-arts. Il a dû ensuite faire son service militaire en France, et ils ont déménagé à Paris. Elle a été introduite par son père chez Roland Manuel, qui lui a fait faire de la figuration de cinéma. 00:22:45 – 00:24:29 (Séquence 18) : Anne Ansermet parle de sa carrière au cinéma : elle était figurante, si bien qu'elle se rappelle peu dans quels films elle a tourné, ni avec qui. Elle se souvient avoir joué dans "14 juillet" avec Anabella et dans "Cette vieille canaille" avec Harry Baur. Elle explique que les figurants devaient être bien vêtus et qu'ils étaient payés pour avoir un budget costume. En outre, grâce à son ami Roland Manuel elle pouvait manger à la cantine des studios : elle y a croisé Jouvet, Michel Simon, Gaby Morlay, Victor Francen et Blier entre autres. 00:24:41 – 00:25:00 (Séquence 19) : Anne Ansermet parle de son succès dans le milieu du cinéma et de la photographie: Roland Manuel la poussait à faire carrière, mais la famille de son mari, la famille de Saussure, a refusé. Elle s'est donc réorientée. 00:25:12 – 00:26:38 (Séquence 20) : Anne Ansermet parle de sa réorientation professionnelle, après avoir été figurante. Par la famille de son mari, elle a pu entrer chez les Dames de France. Elle a travaillé comme infirmière à l'hôpital Saint-Antoine au début des vaccinations BCG : elle allait dans la banlieue dite rouge, un endroit extrêmement pauvre. C'est là qu'elle a rencontré l'Abbé Pierre et le pasteur Dominicé. Elle a donc expérimenté la différence de niveaux de vie entre les riches qui vivaient les années folles sans se soucier de rien et ces pauvres qui vivaient de manière plus misérable qu'à Calcutta. Elle a aussi rencontré d'autres femmes engagées dans le social et militantes de gauche, qui manifestaient avec elle pour avoir la sécurité sociale. 00:26:51 – 00:28:30 (Séquence 21) : Anne Ansermet parle de ses relations littéraires à Paris : Roland Manuel lui faisait rencontrer la fille de Jacques Rivière, Mauriac, Max Jacob, Cocteau et François Fosca, le frère de Robert de Traz. Elle a beaucoup interagi avec Fosca, un peintre et historien d'art, catholique converti. Grâce à lui, elle a rencontré Giraudoux et Paul Valéry. Elle est allée aussi à Solesmes quelquefois avec Roland Manuel et y a vu de plus près Mauriac. Elle se souvient qu'il était catholique mais tourmenté et cela l'a marquée et détachée de la religion. 00:28:43 – 00:29:56
Première femme admise à la Faculté de théologie de l'Eglise Libre vaudoise, elle aura de la peine à s'imposer dans un domaine jusque là strictement réservé aux hommes. Passionnée par l'histoire de ...l'Eglise, elle choisit comme objet de recherches et d'études la vie d'Angelo Clareno, moine franciscain condamné pour hérésie au XIVe siècle. Cet intérêt s'est traduit par la parution, en 1979, de "Angelo Clareno et les spirituels italiens". 00:00:00 – 00:00:09 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Lydia von Auw et tourné à Morges le 12 avril 1988. L'interlocuteur est le professeur Pierre Bonnard. 00:00:09 – 00:03:47 (Séquence 1) : Lydia von Auw est invitée à parler de sa jeunesse et du choix de sa formation. Elle est née à Morges et a suivi le gymnase à Lausanne. A la fin de ses études gymnasiales, elle hésitait entre suivre des études de lettres ou étudier la théologie. Influencée par sa mère, elle a choisi de poursuivre des études en théologie, à la Faculté de théologie de l'Eglise libre vaudoise. Elle a été accueillie avec bienveillance mais aussi avec la crainte que cela crée des émules. Avant Lydia von Auw, une seule autre femme romande, Lucie Schmidt à Neuchâtel, avait suivi des études complètes de théologie. Mais n'ayant pas trouvé d'emploi dans ce domaine, elle est allée travailler au Bureau international du travail - BIT. 00:03:48 – 00:04:54 (Séquence 2) : Lydia von Auw garde un bon souvenir des professeurs qu'elle a rencontrés, elle leur porte une grande admiration et reconnaissance. Elle cite l'exemple du bon accueil de Monsieur et Madame Laufer et de la gentillesse de René Guisan. 00:04:55 – 00:08:01 (Séquence 3) : Après quatre ans d'études, Lydia von Auw s'est orientée, par l'influence de René Guisan, vers le modernisme. Il cherchait à comprendre les différents mouvements religieux et s'intéressait au catholiscime, car il y avait de nombreuses conversions à cette religion vers 1920. Lydia von Auw explique le mouvement du modernisme qui a investi plusieurs pays tels que la France, l'Angleterre, l'Allemagne et l'Italie. Elle explique les particularités de la situation en Italie, les difficultés de l'Eglise et de l'Etat depuis 1870 et des croyants italiens. 00:08:03 – 00:09:34 (Séquence 4) : Lydia von Auw a mené une thèse sur le modernisme italien en 1924. Pour les besoins de ses recherches, elle s'est rendue en Italie. L'interlocuteur cite une phrase de la thèse de Lydia von Auw. Elle s'est souvent attachée, de manière inconsciente, à des figures et à des pensées marginales. 00:09:37 – 00:10:18 (Séquence 5) : Lydia von Auw souligne les périodes importantes du modernisme. Il s'est développé sous le pontificat de Léon XIII puis a été condamné par le pape Pie X. Certaines revues et publications ont alors disparu. 00:10:21 – 00:14:26 (Séquence 6) : Après sa licence à la Faculté de théologie de l'Eglise libre vaudoise, Lydia von Auw a rédigé une thèse sur le modernisme italien. Après ses études, elle ne s’est pas spécialisée immédiatement. Elle a effectué des nombreux et longs ministères pastoraux. Lydia von Auw a commencé à Rolle après la mort du pasteur Yersin. Elle est allée ensuite à Cormoret dans le Jura Bernois. Puis Lydia von Auw a été envoyée à Ollon où elle est restée quatre ans. Elle a l'impression d'avoir souvent été envoyée dans une église où quelque chose n'allait pas très bien, mais elle a toujours fini par s'attacher aux gens de ces églises. Après Ollon, elle a fait un court remplacement à Bex. Elle a aussi été à Saint-Loup comme aumônière à l'Hôpital pendant 12 ans. Après Saint-Loup, elle été 11 ans à l'Auberson. Lydia von Auw est ensuite restée six ans à Chavannes-le-Chêne jusqu'à la fusion des deux Eglises. Lydia von Auw précise que c'est à Ollon, dans la communauté de l'Eglise libre, qu'elle a été consacrée au saint ministère. Elle précise aussi que lorsqu'elle a été consacrée, elle était déjà appelée à Saint-Loup. 00:14:30 – 00:15:57 (Séquence 7) : Lydia von Auw pense que l'entrée d'une femme dans le ministère pastoral ne constituait pas une difficulté mais que cela nécessitait surtout de la patience. Plusieurs femmes ont essayé de conquérir le terrain avant elle, comme Jani Hertel qui a fait un ministère à l'ancien Hôpital cantonal de Lausanne. 00:16:01 – 00:18:01 (Séquence 8) : En Suisse romande, Lydia von Auw a été la première femme pasteure chargée d'un ministère. Elle a officié dans différentes paroisses. Dans l'Eglise libre, les femmes ont présidé des services comme les sacrements sans trop de difficultés, ce qui n'était pas le cas dans l'Eglise nationale. Les théologiennes suisses allemandes qui ont obtenu le droit de pratiquer par exemple la bénédiction ou les sacrements ont apporté leur soutien aux théologiennes de Suisse romande qui avaient des difficultés à obtenir le droit d'officier. Lydia von Auw souligne quelques difficultés avec ses collègues avec qui cependant elle s'entendait bien et explique que dans une communauté elle n'avait pas le droit de célébrer un service funèbre. Lydia von Auw a ouvert la voie à d'autres femmes. 00:18:06 – 00:18:54 (Séquence 9) : En 1966, lors de la célébration à la cathédrale de Lausanne de la fusion de l'Eglise libre et de l'Eglise nationale, Lydia von Auw était la seule femme à signer le registre. Ses collègues ont fait preuve de solidarité en souhaitant qu'elle soit inscrite au registre des pasteurs. Lydia von Auw était donc acceptée en tant que pasteure de la nouvelle Eglise unie du canton de Vaud. 00:18:59 – 00:20:16 (Séquence 10) : Alors qu'elle exerçait ses ministères en Suisse, Lydia von Auw a continué à garder contact avec l'Italie et en particulier avec le professeur moderniste italien Buonaiuti qui a été chargé de cours à l'Université de Lausanne. Lydia von Auw est invitée à retracer le parcours de cet homme, Romain d'origine, et dont les idées ont souvent dérangé. Il a été professeur, puis il a été employé dans les bureaux du Vatican. Pendant la crise moderniste, il a été l'un des plus révolutionnaires mais, par la suite, il est revenu sur ses positions. 00:20:22 – 00:22:12 (Séquence 11) : A Rome, Lydia von Auw faisait partie du cercle de Buonaiuti. Pendant la crise moderniste, des milliers de prêtres et d'intellectuels sont sortis de l'Eglise. On demande à Lydia von Auw si les publications et le rayonnement de Buonaiuti ont été détruits par la répression à l'égard des modernistes. Elle ne pense pas que sa réputation ou son oeuvre aient été détruites puisque les idées qui avaient été combattues sont réapparues 30 ans plus tard. Buonaiuti avait dit : " On m'appelle le dernier des modernistes , mais je ne sais pas si je suis le dernier". Pour Lydia von Auw, l'Eglise catholique ne serait pas devenue ce qu'elle est s'il n'y avait pas eu cette crise qui a conduit à Vatican II. 00:22:19 – 00:23:04 (Séquence 12) : Lydia von Auw précise, à propos du pape Jean XXIII, qu'il avait été un condisciple de séminaire de Buonaiuti. Jean XXIII, lorsqu'il était à Sofia, lui avait envoyé une carte qui avait été interceptée, car la correspondance avec Buonaiuti était considérée comme dangereuse. 00:23:11 – 00:25:42 (Séquence 13) : Lydia von Auw a été orientée sur la recherche par Buonaiuti. Il lui avait proposé d'étudier un personnage ayant joué un rôle au XIIIe siècle et faisant partie des disciples modérés de Joachim de Flor: Angelo Clareno. Celui-ci était resté attaché à la tradition franciscaine et a connu la prison, l'exil et la clandestinité. Par ses écrits et par ses lettres, Angelo Clareno a réussi à influencer la piété italienne au XIVe siècle. La thèse de Lydia von Auw a été présentée à l'Université de Lausanne puis a été rééditée dans une collection d'études historiques en 1979 en Italie. Un professeur américain, Musto, a travaillé aussi sur Angelo Clareno et a publié ses lettres. 00:25:50 – 00:28:03 (Séquence 14) : Lydia von Auw est invitée à replacer la figure d'Angelo Clareno dans l'histoire des franciscains. Elle estime qu'Angelo Clareno est né vers 1250, une trentaine d'années après la mort en 1226 de Saint-François. L'oeuvre d'Umberto Eco donne un aperçu de la violence et de la misère régnant à cette époque dans l'ordre des Franciscains. L'auteur situe l'intrigue de l'histoire au moment où il y a une grande tension entre l'Ordre franciscain et les autorités de l'Eglise. Il a imaginé leur rencontre, en s'appuyant sur des citations d'écrits de l'Ordre des Franciscains. 00:28:11 – 00:30:42 (Séquence 15) : On interroge Lydia von Auw sur les troubles de l'Inquisition et on l'invite à parler du débat sur les Franciscains et du mouvement de pauvreté. Les Franciscains s'opposaient à la richesse et à la puissance et réclamaient une Eglise plus proche de l'Evangile. A travers tout le XIVe siècle, il y a une influence des prédicateurs de la pauvreté. Lydia von Auw souligne que Franciscains, Spirituels et Augustins ont souvent été rapprochés. Le mouvement de pauvreté impliquait le renoncement à la richesse, un grand rôle dans l'Eglise et de se laisser guider par l'Evangile. Lydia Von Auw rappelle que plusieurs des récits ont été réécrits pour être accessibles aux gens simples et aux femmes. 00:30:50 – 00:33:10 (Séquence 16) : La thèse de doctorat de Lydia von Auw s'intitule "Angelo Clareno et les spirituels italiens". La première parution de cet écrit date de 1949 et la deuxième édition publiée en Italie, en français, date de 1979. Lydia von Auw donne sa version sur l'origine du terme "spirituel" attribué aux Franciscains. L'explication viendrait de la présence des Joachimites parmi les Franciscains et au fait que Joachim de Flore croyait à la venue et au règne de l'esprit. On leur reprochait d'être libres et critiques. Lydia von Auw expose la règle de Saint-François. 00:33:19 – 00:35:02 (Séquence 17) : Pour ses recherches, Lydia von Auw s'est appuyée sur les lettres d'Angelo Clareno et sur les écrits de contemporains de cet homme, comme l'un de ses disciples Simon de Cascia, un Augustin. Elle a aussi regardé d'autres écrits
Fils d'émigrants italiens de la région de Ravenne, José Venturelli est né au Chili en 1924. La grande peinture murale mexicaine, celle des Siquieros, Rivera, Portinari, va avoir sur lui une influence ...décisive: moyen de communication sociale dans le contexte de l'Amérique du Sud notamment, s'adressant aux peuples de cet immense continent. Pour Venturelli, l'avenir de l'homme sera ce qu'il en fera. Cela implique un effort ininterrompu, en dépit des lois objectives de l'histoire qui échappent à sa volonté, mais dont il est néanmoins acteur. Ainsi l'art de ce peintre est l'expression des aspirations de son peuple et des hommes les plus démunis de cette terre dont il s'est toujours senti profondément solidaire. 00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à José Venturelli, peintre, et tourné au Lignon, commune de Vernier, le 25 février 1988. L'interlocuteur est Erica Deuber-Pauli. 00:00:11 – 00:01:54 (Séquence 1) : Des peintures et dessins de José Venturelli sont montrés alors que l'interlocutrice explique qu'il est chilien, mais qu'il vit à Genève depuis 15 ans. Il est parti suite au coup d'état de 1973, mais arrivait de Pékin. Elle lui demande pourquoi il a choisi la Suisse. Venturelli répond que ce n'était pas sa première fois en Suisse, car il a un frère qui travaille à Genève et à qui il rendait visite régulièrement. Il avait également des liens d'amitié avec des Suisses, qui l'ont motivé à choisir ce pays-ci, pendant le temps qu'il devait se tenir en dehors du sien. 00:01:54 – 00:03:24 (Séquence 2) : José Venturelli explique avoir beaucoup voyagé, mais que c'est différent quand on ne peut pas rentrer dans son propre pays : le sentiment d'absence n'est pas le même. Comme d'autres de sa génération, il a pris conscience de lui-même à ce moment complexe de l'histoire qu'est le XXe siècle. Il relève les profonds changements qui ont marqué cette époque, en termes de relations individuelles et sociales, mais aussi dans le rapport à la nature, devenue objet de conquête. 00:03:25 – 00:07:11 (Séquence 3) : José Venturelli explique qu'il est en Suisse depuis 15 ans, mais souhaite d'abord revenir sur l'histoire et la définition de son propre pays, le Chili. Ce pays est très isolé géographiquement, avec au nord le grand désert d'Atacama, en face, l'Océan pacifique, au sud, le Cap Horn et l'Antarctique, et à l'est, la Cordillère des Andes. Quant à la colonisation et au colonialisme, le Chili porte toujours les marques socio-culurelles, économiques et politiques de l'Espagne. Or, les Indiens du Chili n'ont pas accepté la domination espagnole, mais sont toujours là et résistent finalement à la chose qui les a le plus touchés : l'alcool. Le Chili est un grand pays qui a longtemps été dominé par une petite classe de propriétaires fonciers, qui se sont beaucoup enrichis grâce à l'exportation des richesses chiliennes. Ils ont par ailleurs importé leur propre culture et leurs valeurs 00:07:13 – 00:08:07 (Séquence 4) : José Venturelli évoque le début du siècle, quand il est né : le triomphe du front populaire au Chili, les troubles politiques et socio-économiques liés au grand krach de 1929, entre autres. Les jeunes Chiliens, comme Venturelli, avaient soif de découvrir autre chose : lui-même est parti à 19 ans pour la première fois. 00:08:09 – 00:10:27 (Séquence 5) : José Venturelli parle de ses parents. Son père était un Italien, venu de Ravenne et exilé en Amérique latine. Il était fils d'un testeur de vin et a pu faire l'université pour devenir ingénieur électricien. Il s'est marié avec une Chilienne, dont les ancêtres étaient eux-mêmes des étrangers. C'est ainsi qu'est né Venturelli. 00:10:29 – 00:11:57 (Séquence 6) : José Venturelli explique que pour lui la peinture est un moyen de comprendre le monde et de le transformer. L'art permet à l'homme de se connaître, et avec lui, toute sa vie, puisque le sensible est une condition déterminante lors de l'enfance et parfois lors de toute une période de la vie. 00:12:00 – 00:14:28 (Séquence 7) : José Venturelli définit l'art comme une relation sensible à la nature, la société, l'histoire et nous-mêmes. Il estime que cela constitue une valeur importante pour la connaissance de soi. Pour lui, l'histoire et ses changements sont indépendants de la volonté des hommes : la société et le monde ont leurs propres lois, non régies par l'individu mais par un ensemble social. Il est alors paradoxal de vouloir contrôler son action par la réflexion et la logique, mais cela est possible par une meilleur connaissance de la nature et de la société à travers l'individu : la connaissance artistique joue un grand rôle dans ce processus. Venturelli croit que l'art peut jouer un rôle moteur également dans le déroulement de l'histoire. 00:14:31 – 00:16:31 (Séquence 8) : José Venturelli commente l'impact de l'histoire sur l'individu à travers son propre exemple : le fait d'être Chilien, même si le Chili est un pays isolé du monde, a entraîné le besoin pour sa génération de trouver dans l'art des choses qui n'étaient pas accessibles autrement. C'est pourquoi, il a souhaité aller à la rencontre de la réalité, donc de la nature de son pays et de l'Amérique latine. Il est parti mais, grâce à ses études scientifiques, il a adopté une optique scientifique autant qu'artistique. Il a cherché à observer ce qui avait été fait avant lui et ce qui est notamment propre à l'Amérique latine. 00:16:35 – 00:18:09 (Séquence 9) : José Venturelli évoque les artistes d'Amérique latine, tous liés par un sentiment d'appartenance nationale et leurs références à l'indépendance. Il cite pour la littérature Garcia-Marquèz, Neruda et Mistral ; et insiste sur le fort impact de la peinture mexicaine sur les artistes de sa génération et lui-même. Il se dit fier d'en faire partie. 00:18:14 – 00:20:44 (Séquence 10) : José Venturelli évoque l'influence de la peinture mexicaine et sud-américaine sur sa génération d'artistes et lui-même. Il évoque les muralisme : Rivera, Orozco et Siqueiros ; ainsi que les graveurs et artistes mexicains, brésiliens, comme par exemple Goeldi, Suisse d'origine, fils d'un savant invité au début du siècle au Brésil. Pour Venturelli, tous ces artistes ont produit un art ancré dans des valeurs nationales : il s'agit d'une sorte de renaissance de l'Amérique latine, sur une base individuelle de reconnaissance de soi-même. 00:20:49 – 00:23:31 (Séquence 11) : José Venturelli parle des valeurs nationales en Amérique latine et notamment du cliché les montrant comme liées à une histoire générale très violente. Il est vrai que l'identité nationale latino-américaine s'est constituée autour de la lutte contre les valeurs imposées par les colons et notamment l'Espagne. Venturelli insiste sur le contrôle social et politique, au-delà de la simple motivation économique, chez les colons. Il suffit de voir pour cela les indiens des Andes qui portent maintenant des vêtements espagnols comme habits traditionnels. Il faut donc relever l'importance de la perte d'identité dans des pays comme le Chili, ce qui explique aisément que l'un des premiers peintres du nationalisme chilien était en fait péruvien et noir, alors que le Chili n'a pas connu l'immigration d'esclaves pendant l'époque coloniale. 00:23:37 – 00:24:31 (Séquence 12) : José Venturelli évoque l'émergence d'artistes, en parallèle de celle d'une économie et d'une société caractéristiques. Ce processus s'est notamment fait à travers une découverte de la nature et de la possibilité d'avancer, ainsi qu'à travers la connaissance et la critique de la réalité. Il a abouti à la proposition d'un projet alternatif. 00:24:37 – 00:28:37 (Séquence 13) : L'interlocutrice explique que José Venturelli s'est illustré à travers ses combats et sa peinture ; et qu'il a connu les personnalités - artistiques et politiques - qui ont marqué l'histoire de son pays. Elle cite Neruda, Rivera, Siqueiros, Nazim Hikmet ou encore Frida Kahlo, qu'il a connue ; ainsi que Mao, Fidel Castro, Che Guevara, Salvador Allende, entre autres. Elle définit ces rencontres comme une communauté de pensée. Venturelli reconnaît le caractère exceptionnel des personnes citées, qui ont beaucoup enrichi sa propre vie, puisqu'il a partipé à leurs idées, activités et engagements. Il souligne d'ailleurs le fait que pour les artistes de son époque l'art ne se concevait pas comme un exercice solitaire, mais comme une rencontre, un acte d'expression, de communication et de foi en l'autre. Il regrette donc les effets néfastes du marché de l'art : un tableau, vendu pour une somme astronomique à une collection privée, ne sera plus accessible au public. Pour Venturelli, l'art ne sert pas à cela, mais à expliquer, connaître et exprimer : l'art est la connaissance artistique de notre réalité. Il permet de réagir face à la réalité et, en ce sens, les artistes ne peuvent être écartés de la société. 00:28:43 – 00:30:50 (Séquence 14) : José Venturelli explique que le modèle de l'aventure artistique mexicaine a été utile pour tous les artistes sud-américains, car avant elle, l'art s'achetait en Europe. A l'époque, il était assez difficile de faire de la peinture sa profession et les artistes vendaient leur œuvres localement, même si elles étaient sous-évaluées. Ainsi, elles connaissaient une grande audience, qui correspondait bien aux grands sujets qu'elles traitaient. Neruda a d'ailleurs dit un jour à Venturelli : "J'écris pour des gens qui ne savent pas lire". Cette phrase reflète volontiers la situation de l'art à ce moment-là. Les Mexicains ont alors résolu le problème en faisant de la grande peinture, soit une peinture murale, utile et publique. Leur démarche a rendu l'art accessible à tous, indépendamment des contingences matérielles. 00:30:57 – 00:31:27 (Séquence 15) : 00:31:34 – 00:33:05 (Séquence 16) : José Venturelli parle de la gravure, une technique traditionnelle en Amérique latine. Elle s'est ancrée dans un mouvement social de masse qui a vu participer poètes, écrivains et journalistes. La gravu
Etre sculpteur, c'est être patient, très patient même. L'œoeuvre se conquiert de haute lutte, dans le temps. Réflexion, absence de précipitation dans le propos, équilibre de la parole, simplicité et ...rigueur marquent le discours d'André Ramseyer. Elève de Zadkine, de Moore et de Jean Arp, c'est grâce à ces maîtres que le jeune sculpteur trouvera sa propre voie. Se laisser guider par la matière, lui faire confiance dans sa capacité de conduire notre main, "être humble en face d'elle", telles sont quelques-–unes des attitudes qui fondent la démarche de l'artiste dans la lente conquête des formes, des vides et des lignes. 00:00:00 – 00:00:24 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à André Ramseyer, sculpteur, et tourné à Neuchâtel le 8 décembre 1987. L'interlocuteur est Bertil Galland. 00:00:24 – 00:01:07 (Séquence 1) : André Ramseyer explique sa perception de la matière qu'il doit travailler, sculpter. Il dit avoir un grand respect pour elle, parce qu'elle est vivante. 00:01:08 – 00:02:49 (Séquence 2) : André Ramseyer explique sa position face à la matière qu'il doit travailler, sculpter. Selon lui, il y a deux manières d'attaquer un bloc de pierre. La façon habituelle: il s'agit de reporter, d'après une maquette en plâtre, les points à l'aide d'une espèce de pantographe. La deuxième, et c'est celle qu'il honore, consiste à se lier d'amitié avec la matière, à l'écouter et se montrer humble devant elle. C'est en collaboration avec la matière et sans avoir de formes préétablies qu'il pratique la sculpture. Une démarche qu'il considère plus passionnante, même si elle est plus risquée. 00:02:50 – 00:03:47 (Séquence 3) : André Ramseyer parle de son œuvre intitulée "Le Fruit" de 1950. Il explique l'origine de cette sculpture. L'ingénieur communal de Neuchâtel lui avait signalé une borne qui allait disparaître, non loin de chez lui, faite dans une très belle pierre d'Hauterive. En essayant de lui enlever le moins de matière possible, il y a sculpté un personnage couché dans lequel il est encore possible de lire la forme de la borne. 00:03:48 – 00:04:30 (Séquence 4) : André Ramseyer raconte sa vie dans les années 1950. Une période difficile, durant laquelle il était tiraillé entre l'art figuratif et non-figuratif. Le passage d'un style à l'autre s'est fait très lentement, sur plusieurs années. Il dit ne pas vouloir forcer les choses, il essaie d'être un "esprit obéissant", de se laisser guider et conduire. Il aime produire une œuvre seulement si au plus profond de lui l'envie se manifeste. 00:04:31 – 00:04:59 (Séquence 5) : André Ramseyer parle à nouveau de la sculpture "Le Fruit". Il explique qu'elle répond en quelque sorte à une nécessité imposée par la matière. La borne obligeait le choix de certaines formes plutôt que d'autres. Cette oeuvre montre déjà une certaine liberté dans la reproduction du corps humain. 00:05:01 – 00:05:43 (Séquence 6) : André Ramseyer raconte l'origine de son respect pour la matière, pour la pierre. Il dit avoir eu déjà dans son enfance des contacts avec la nature qui l'ont émerveillé. Certains adultes l'ont ouvert à la beauté de la nature, d'un arbre, d'une feuille, d'un caillou. Il pense que grâce à ces expériences, sa sensibilité s'est petit à petit affinée, aiguisée. Son respect pour la nature, pour la matière, a grandi avec les années. 00:05:45 – 00:06:42 (Séquence 7) : André Ramseyer évoque son enfance et sa famille. Son père était pasteur. Il est né à Tramelan au presbytère. Dans sa famille, les goûts artistiques étaient surtout prononcés pour la musique. Son père jouait du violon, ses frères du piano et lui-même de la flûte. Ils jouaient de la musique de chambre tous ensemble le dimanche après-midi. Son père l'a initié au respect de la musique, à l'écouter plus qu’à l'entendre. 00:06:45 – 00:07:37 (Séquence 8) : André Ramseyer parle de son enfance, de ses premières années passées à Tramelan, lieu qu'il a quitté à ses neuf ans. Il est né en 1914 et ses premiers souvenirs sont marqués par la mobilisation de l'armée pendant la première guerre mondiale, de 1914 à 1918. Il se rappelle les échanges amicaux qu'il avait avec des soldats dans le verger de la cure. 00:07:40 – 00:08:15 (Séquence 9) : André Ramseyer parle de son enfance. À neuf ans, lui et sa famille quittent le village de Tramelan. Son père avait été nommé pasteur à Sonvilier, près de La Chaux-de-Fonds, dans la vallée de Saint-Imier dans le Jura bernois. Son frère allait à l'école secondaire à La Chaux-de-Fonds, et ses parents désiraient alors se rapprocher de la ville pour permettre à leurs enfants de fréquenter le gymnase. Avec son frère, ils ont fait tous les jours les trajets en train depuis Sonvilier pour aller à l'école. 00:08:18 – 00:09:03 (Séquence 10) : André Ramseyer évoque la ville de La Chaux-de-Fonds. Une ville qu'il trouve exceptionnelle. Elle est composée par des clans, des mouvements, des passions qui s'affrontent. Il y a un goût de l'art, des beaux-arts et de la musique qui sont très prononcés. Autour de certains personnages se formaient des grappes d'artistes en devenir. Il cite l'exemple de L'Eplattenier, Le Corbusier, Perrin, Schwob, Humbert, Madeleine Woog. 00:09:07 – 00:10:25 (Séquence 11) : André Ramseyer parle des gens qui, comme lui, se sont formés à La Chaux-de-Fonds autour de Léon Perrin. Perrin était sculpteur, grand ami de Le Corbusier. Ramseyer a rencontré Perrin à l'école normale où le sculpteur enseignait. Perrin a apporté à l'enseignement du dessin quelque chose de nouveau, de révolutionnaire et de passionnant. Il avait rompu avec certains procédés ennuyeux. Il avait surtout une capacité à enthousiasmer les jeunes. Son seul défaut était peut-être de ne pas les ouvrir à l'art contemporain. Néanmoins il transmettait un important goût de l'art et un souffle de liberté. Ceci l'a beaucoup marqué à l'époque. 00:10:30 – 00:11:14 (Séquence 12) : André Ramseyer explique comment il a été initié à la sculpture. C'est grâce à l'enseignement de Léon Perrin à l’école normale de La Chaux-de-Fonds. Perrin enseignait aussi à l'école d'art, où André Ramseyer a pu suivre des cours de modelage. Il s'est lié d'amitié avec lui et, suite à sa proposition, il est allé travailler dans son atelier. C'est là qu'il a appris à tailler la pierre. Il se souvient en particulier d'un travail sur un bloc de Saint-Triphon qu'il a dû mettre à plat. Sa collaboration dans l'atelier a duré de nombreuses années. 00:11:19 – 00:12:58 (Séquence 13) : André Ramseyer parle du travail de sculpteur, en particulier de la technique de la taille. Une activité qui exalte et qui met à l'épreuve à la fois. Aussi, elle enseigne la patience. Il cite son maître Léon Perrin qui insistait sur l'importance de la patience et affirmait que, sans elle, il valait mieux abandonner la sculpture. La patience n'est toutefois pas la différence entre la sculpture et les autres arts, qui en nécessitent aussi. Mais le travail du peintre lui paraît plus direct, alors que le sculpteur doit passer par une série d'étapes. Le travail peut durer des jours, des semaines, voire des mois. C'est une approche de l'art très différente. Il ne veut pas par son discours créer de hiérarchies dans les différentes pratique artistiques. S'il était néanmoins obligé de le faire, il mettrait l'architecture en première place. 00:13:04 – 00:14:03 (Séquence 14) : André Ramseyer parle de son rapport à l'architecture. Sa découverte de l'architecture se fait véritablement lors d'un voyage en Italie. En Toscane, Ombrie et Vénétie, il découvre l'art et l'architecture italiens de la Renaissance. À Florence, pendant plusieurs semaines, il dessine uniquement de l'architecture. Attiré par sa beauté, il essaie de déceler les proportions, les échelles des bâtiments. Il pense qu'en alternative à la sculpture, il aurait choisi l'architecture. 00:14:09 – 00:15:33 (Séquence 15) : André Ramseyer cherche à définir les œuvres d'art, en sculpture et dans les autres disciplines artistiques. Elles sont formées de plusieurs éléments, souvent indicibles. Il estime qu'une œuvre d'art, au-delà des techniques utilisées pour sa fabrication et de son extérieur, doit être habitée, avoir une âme. Elle doit avoir une sorte de noyau intérieur, de quatrième dimension. C'est l'essentiel de l'oeuvre. Le noyau, l'âme de l'œuvre donnée par l'artiste rayonne, produit des vibrations auxquelles le spectateur est plus ou moins sensible. C'est la dimension spirituelle de l'œuvre, et celle-ci en détermine la validité. 00:15:40 – 00:17:11 (Séquence 16) : André Ramseyer explique les notions d'élévation et d'enracinement dans la sculpture. Il discerne dans la sculpture une série d'œuvres qui ont un poids, qui sont ancrées au sol, qui exercent une sorte de pression et d’autres qui semblent vouloir décoller, qui nous donnent envie d’être mise dans l'espace, de supprimer leurs socles pourtant nécessaires. Ces dernières poussent à la verticale. Il ne s'agit pas forcément d'élévation spirituelle, les sculptures d'enracinement sont aussi pleines de richesses. Il donne l’exemple du sculpteur suisse Luginbühl, dont les œuvres sont fortement ancrées au sol. 00:17:18 – 00:18:02 (Séquence 17) : André Ramseyer parle des influences artistiques qu’il a connues à La Chaux-de-Fonds. Il dit que l'artiste de référence, surtout pour la sculpture figurative, était indiscutablement Rodin, Bourdelle aussi. Son maître Léon Perrin avait les mêmes références. Lorsque Ramseyer a vécu à Paris, il est allé de nombreuses fois au Musée Rodin, dont il a fini par connaître les œuvres par cœur. 00:18:10 – 00:19:24 (Séquence 18) : André Ramseyer raconte ses débuts de sculpteur à La Chaux-de-Fonds. Une période économiquement difficile. Comme il avait fait l'école normale, il a pu faire des remplacements. Entre enseignement et confection de monuments funéraires, il a pu gagner sa vie. Le travail sur les monuments funéraires présentait une certaine liberté et lui a permis de pratiquer la sculpture. Léon Perrin lui-même avait fait des monuments funéraire