UP - logo
E-viri
Celotno besedilo
Odprti dostop
  • Olivier Frei

    05/1986
    Video Recording

    Ce film présente un médecin qui a été l'un des plus grands pédagogues de l'Université de Lausanne. Son intelligence supérieure et le goût du défi lui ont inspiré une approche du malade radicalement opposée aux modes, et fondée sur l'attention portée à la personne. Son intérêt pour la psychanalyse l'ouvre à la médecine psychosomatique. En 1954, il crée des remous parmi ses confrères en analysant ses propres erreurs de diagnostic. Cette grande heure de cinéma, où le professeur-–comédien ne craint pas d'étonner, est une leçon exemplaire d'art médical. 00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Edouard Jéquier-Doge et tourné à Lausanne le 6 mai 1986. L'interlocuteur est Bertil Galland. 00:00:11 – 00:00:54 (Séquence 1) : Edouard Jéquier-Doge dit avoir arrêté depuis 10 ans d'enseigner à la Faculté de médecine. Il n'a pas donné de leçon d'adieu et il ne voulait pas faire de Plans-Fixes. Ce sont ses amis, qui sont aussi ses élèves, qui ont insisté. Il a accepté en pensant surtout aux médecins qu'il a formés et avec lesquels il a gardé un très bon contact. 00:00:54 – 00:01:23 (Séquence 2) : Edouard Jéquier-Doge explique qu'en s'approchant de ses 80 ans, il pense à sa jeunesse et à sa formation. Il veut comprendre comment il est arrivé à l'enseignement de la médecine et à la pratiquer avec succès. Il aimerait comprendre quelle a été l'originalité de son enseignement. 00:01:24 – 00:03:31 (Séquence 3) : Edouard Jéquier-Doge dit avoir été appelé à enseigner subitement, à cause de la maladie de son patron en 1940, le Professeur Louis Michaud. Il n'avait jamais enseigné et il s'est retrouvé devant un auditoire de 150 personnes, qu'il avait uniquement fréquenté lors d'exercices d'osculation. Son patron était une grande personnalité mais un mauvais pédagogue. Il a essayé de faire différemment, en raison aussi de son propre orgueil et du respect de sa profession. Il a si bien réussi que d'emblée les étudiants l'ont applaudi. Ceci l'a encouragé et obligé à continuer dans cette voie. Après une semaine, il avait passé les sujets spéciaux sur lesquels il était particulièrement renseigné et il a dû commencer à préparer d'autres cours. 00:03:32 – 00:06:05 (Séquence 4) : Edouard Jéquier-Doge explique que son but était de rendre service aux étudiants en les obligeant à l'écouter. Pour réussir, il faut leur donner ce qui les intéresse. Il pouvait lire sur leurs visages s'ils étaient intéressés ou non. Il a compris que les théories étaient bien expliquées dans les livres, ce qui les intéressait c'était surtout les malades. C'est très difficile de présenter un malade dans un cours. Les cours étaient des cliniques, où on présentait un malade dans son lit. Il faut trouver un malade et le préparer à affronter des situations qui pourraient le vexer. Il y a une façon de le préparer et ensuite de le présenter à un auditoire. L'enseignement a été un entraînement qui lui a fait plaisir mais qui l'a surchargé aussi. En effet, il avait également un poste de chef de clinique à plein temps pendant la guerre avec des assistants envoyés à l'armée et remplacés par des dames. L'enseignement du Professeur Michaud était très lourd, une heure à une heure et demie de cours chaque jour. 00:06:07 – 00:06:57 (Séquence 5) : Edouard Jéquier-Doge explique que pendant ses 35 ans d'enseignement, plus il avançait, plus ses cours se sont simplifiés. Au début, il aimait reproduire des chiffres et des schémas au tableau, ensuite il a arrêté de le faire. Il n'a pas utilisé l'audiovisuel mais il a montré aux étudiants des malades. 00:07:00 – 00:09:02 (Séquence 6) : Edouard Jéquier-Doge explique qu'il y a différentes façons de montrer des malades à des étudiants. Normalement, on le laisse dans son lit. Il a essayé de faire participer les élèves. À la polyclinique, il faisait marcher les malades devant l'auditoire. Il demandait aux étudiants ce qu'ils remarquaient, dans la façon de marcher du malade, sur son visage, dans ses mimiques. Les malades acceptaient cette sorte de théâtre. Ils y prenaient plaisir si on ne les blessait pas. Il a toujours convaincu les malades de participer, parfois il prenait les mêmes malades d'une année à l'autre. À la clinique médicale, le malade choisi ne pouvait pas échapper à la présentation. À la polyclinique, il présentait trois malades par cours et ils se sont presque toujours présentés les trois. 00:09:06 – 00:09:46 (Séquence 7) : Edouard Jéquier-Doge dit s'être trouvé une fois sans malades à un cours où il devait en présenter. Il a cherché dans ses dossiers le cas d'un malade qu'il suivait et a promis aux étudiants qu'ils le verraient le jour d'après. Le malade venait de Martigny. Il était assez secoué de devoir faire seul un entraînement pratique. 00:09:51 – 00:10:08 (Séquence 8) : Edouard Jéquier-Doge dit que son enseignement est fait du respect du malade et de la médecine, ce qui oblige à connaître la matière pour dire la vérité aux étudiants. 00:10:13 – 00:11:37 (Séquence 9) : L'interviewer demande à Edouard Jéquier-Doge ce qu'est la médecine élégante. Il répond qu'elle n'existe plus. Une médecine élégante est formée d'un interrogatoire soigné, avec un bon contact, un examen précis. Avec ça, elle arrive à un diagnostic assez précis sans passer par de nombreux examens ou laboratoires techniques. Les médecins praticiens sont souvent confrontés à des cas qui ne nécessitent pas d'hospitalisation, de radiographies ou d'autres examens. Il a une grande admiration pour les anciens médecins qu'il a connus dans sa jeunesse. Ils se débrouillaient avec rien et se trompaient très peu. Le médecin de village connaissait tout le monde et l'histoire des familles, leur héritage. 00:11:43 – 00:14:22 (Séquence 10) : Edouard Jéquier-Doge explique que la technique est un apport considérable en médecine, mais elle est chère et parfois elle n'est pas indispensable. La tendance est de l'utiliser le plus possible. Dans les procès contre les médecins, les examens jouent à leur décharge, ils sont la preuve de leur bonne conscience, surtout s'ils sont nombreux. Il faut garder l'idéal d'une médecine simple mais juste. Pour ça, il faut avoir le sens clinique. La clinique se fait au lit du malade. La médecine était autrefois basée sur des signes cliniques, comme le signe de Babinski. Des signes qui se trouvent chez le malade et pas dans un examen. Le développement de la technique n'a pas effacé les signes cliniques, mais il les a déplacés. C'est toujours penché sur le lit du malade qu'il faut faire la synthèse, qu'il faut avoir du bon sens, que se fait le choix, la simplification des différents éléments, ou la mise en valeur d'un petit symptôme qui est la clé du problème. Le sens clinique ne s'enseigne pas, bien qu'il ait essayé de le faire pendant 35 ans. Il est fait d'expérience, de mémoire. La médecine élégante est faite de beaucoup de sens clinique. 00:14:28 – 00:18:05 (Séquence 11) : Edouard Jéquier-Doge cite un épisode pratique. Une patiente venue de Belgique dans une station de montagne avec son médecin. Il a été appelé à faire une consultation externe. La radiographie montrait un réticule dans le poumon. Les médecins pensaient à un cancer du poumon. Sur le bras gauche, elle n'avait pas de pression ni de pouls. En la palpant sous le bras, il a trouvé une boule, ainsi que dans son sein. C'était une lymphangite carcinomateuse. Souvent, on se concentre sur un élément, la radiographie, et on oublie de faire une anamnèse, un statut général. C'est un exemple qui montre comment la solution peut être dans un petit détail. Personne n'est à l'abri d'erreurs pareilles. 00:18:12 – 00:19:57 (Séquence 12) : Edouard Jéquier-Doge explique qu'en 1955 il avait organisé un cours de perfectionnement pour les médecins. Une journée avait été consacrée aux erreurs de diagnostic. Il y avait un médecin, un chirurgien, un anatomopathologiste, un laboratoire et tout le monde parlait des erreurs médicales. À la fin de la journée, Ferdinand Gonseth, leur philosophe national, bien qu'aveugle, a fait une synthèse de tout ce qu'il avait entendu. Il en a tiré une philosophie de l'erreur. Il a souligné l'importance de reconnaître ses propres erreurs pour pouvoir progresser. Les cas qu'il avait présentés durant cette journée ont fait l'objet d'une publication. Sur 600 médecins, 300 avaient participé à ce cours, alors qu'aujourd'hui les cours de perfectionnement sont très peu fréquentés. Le livre a eu du succès, mais il a été mal compris. La présidence de l'Association suisse de médecine interne lui a prié de cesser de faire du tort à la profession. 00:20:05 – 00:21:20 (Séquence 13) : L'interviewer rappelle qu'Edouard Jéquier-Doge, devenu directeur de la polyclinique, a fait un rapport pour la Société suisse de psychiatrie sur la médecine psychosomatique. Il explique que c'était une question de culture générale. Etudiant en première année propédeutique à Neuchâtel, il allait tous les matins écouter Jean Piaget qui n'était pas encore à Genève à l'Institut Rousseau. Piaget avait commencé par observer ses propres enfants. Ensuite, il a dû passer un propédeutique en physique avec un professeur qui ne le connaissait pas beaucoup, ce qui n'a pas été facile. 00:21:28 – 00:23:41 (Séquence 14) : Edouard Jéquier-Doge dit avoir été frappé pendant ses études de médecine, dans les années 1928-1930, de ne jamais entendre parler de Freud. Il était mal vu en médecine. Il a rencontré une camarade d'étude, qui est devenue sa femme, Marguerite Doge. Elle était au contraire passionnée par ces questions. Ils avaient des amis qui s'étaient soumis à une psychanalyse. À cause de la guerre, le docteur Charles Odier, président de l'Association française de psychanalyse, était venu s'installer à Lausanne. Sa femme s'est soumise à une psychanalyse, car elle voulait se spécialiser dans cette voie après la médecine. Pendant ce temps, il avait l'impression qu'un fossé se creusait entre lui et sa femme, ce qui l'a poussé un an après à en faire une lui aussi. Il s'est découvert une névrose